« Les clauses compromissoires sont d'interprétations strictes ». Cette formule, extraite d'une sentence rendue en 1974 dans l'affaire nº 2138, a pu être présentée comme le rappel d'un principe général (cf. Clunet 1975, 934 et nos obs.). Le respect des décisions arbitrales est en effet incompatible avec toute espèce d'incertitude quant à la volonté des
Selon une démarche caractéristique de l'arbitrage, la volonté commune des parties est le fondement principal de la décision du tribunal arbitral. Cette volonté ressortait des correspondances produites au dossier et de l'esprit de l'ensemble des accords dans lesquels s'inséraient les contrats contenant la clause d'arbitrage. Par ailleurs, l'attitude, lors des négociations contractuelles, de M. A., avait permis à la société nationale de l'Etat B de croire légitimement qu'il engageait l'ensemble des sociétés du groupe qu'il animait. Cependant, plus que cet examen classique des documents échangés par les parties, conforté par une référence implicite à la théorie du mandat apparent (cf. H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. III, p. 1116), c'est la pratique même de l'intervention des groupes de sociétés dans la conclusion des accords industriels au plan international qui constitue, pour les arbitres, le véritable révélateur de la volonté des parties. L'insistance avec laquelle la sentence rappelle que ces opérations économiques mettent en présence un Etat et un groupe - tout comme il pourrait d'ailleurs s'agir de deux groupes (cf. sentence rendue dans l'affaire nº 2375, supra, p. 973), qui en confie l'exécution à une ou plusieurs sociétés filiales, existantes ou à créer "ad hoc" le montre bien. Ces accords sont la source, dans l'esprit des parties tout au moins, d'obligations à la charge du groupe qui en garantit la bonne exécution selon les modalités techniques de son choix. Et c'est pourquoi, ainsi que l'avait relevé à juste titre le regretté Maurice Pénard lors du Colloque international sur le droit international privé des groupes de sociétés tenu à Genève du 9 au 11 mai 1973 « ... en pratique il arrive fréquemment que les contrats conclus entre sociétés mères s'étendent aux diverses sociétés du groupe : c'est une clause fréquente dans les contrats de licence, dans les contrats de fourniture et d'approvisionnement, etc. » (Actes du colloque, p. 135, Centre d'études juridiques européennes, Genève). Mais en l'absence de telles clauses, qui tirent au plan juridique les conséquences d'une réalité économique, ne se trouve-t-on pas dans le domaine du non droit lorsque l'on évoque l'existence d'obligations assumées par le groupe ou mises par lui à la charge de ses membres, obligations inconcevables sans la personnalité morale qu'aucun droit national ne semble lui reconnaître jusqu'à présent (cf. J. Schapira, Droit international des affaires, p. 55) ? Une réponse positive s'impose si la notion de droit se limite à celle de droit étatique
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La recherche de modes d'administration de la preuve adaptés aux particularités de l'arbitrage commercial international est actuellement l'objet des plus vives préoccupations des milieux intéressés. Le Conseil international pour l'Arbitrage commercial y a consacré une réunion à Londres en février 1974 (cf. le texte des principaux rapports, in Rev. arb. 1974, nº 3). Le sujet a également été étudié par un groupe de travail lors du V. Congrès international de l'Arbitrage qui s'est tenu à New Delhi en janvier 1975. La difficulté du problème provient avant tout de la coexistence du système accusatoire qui prévaut dans les pays du common law, du système inquisitoire qui est de règle dans les pays socialistes et du système hybride que la pratique judiciaire et législative a développé dans les pays de la famille romano-germanique, en France notamment. En effet, chaque fois que des parties, ressortissant à des systèmes probatoires différents, se trouvent confrontées dans une procédure arbitrale, l'administration de la preuve selon l'un ou l'autre de ces systèmes serait de nature à favoriser la partie à qui il est familier. Il suffit d'évoquer le malaise d'une partie française soumise à la pratique anglaise de l' « examination » et de la « cross-examination » pour s'en convaincre. Ainsi que l'a souligné J. Robert, les principes appliqués par les tribunaux étatiques ne sont donc pas à même de servir de directive et la seule approche pratique semble être celle qui consiste à recourir à la méthode la plus appropriée dans chaque cas particulier (J. Robert, Administration of Evidence in international commercial arbitration : Yearbook commercial arbitration 1976, 223). C'est cette solution pragmatique que consacre le Règlement de la Cour d'Arbitrage de la C.C.I. dont l'article 14 (1) indique que « l'arbitre instruit la cause dans les plus brefs délais par tous moyens appropriés » et l'article 15 (4) précise que « l'arbitre règle le déroulement des audiences ». Le problème se posait directement dans la sentence ici rapportée, certaines des parties appartenant à des systèmes juridiques de common law, d'autres étant de tendance romano-germanique. C'est pourquoi l'on ne s'étonnera pas de constater que les arbitres aient tenu à proclamer leur distance vis-à-vis des règles de preuves d'un droit étatique qu'ils se gardent d'ailleurs bien de déterminer. Les principes dont ils font usage en ce qui concerne la charge de la preuve n'ont pourtant rien de bien révolutionnaire. On y reconnaît les adages « Actori incumbit probatio » et « reus in excipiendo fit actor », repris notamment par l'article 1315 du Code civil français. L'intérêt' de leur démarche n'est pas dans la solution qu'ils appliquent mais dans le fait qu'ils la présentent délibérément comme un principe de portée universelle. De plus, l'obligation que selon les arbitres, les parties ont de collaborer à l'administration de la preuve