This page uses so called "cookies" to improve its service (i.e. "tracking"). Learn more and opt out of tracking
I agree

BG, 4P.143/2001, 18. Septembre 2001

Title
BG, 4P.143/2001, 18. Septembre 2001
Content

4P.143/2001
Ie C O U R C I V I L E
****************************
18 septembre 2001
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.
_____________
Statuant sur le recours de droit public
formé par

Özmak Makina Ve Elektrik Sanayi A.S., à Gülveren-Ankara (Turquie),
représentée par Me Silvia Tevini Du Pasquier, avocate
à Genève,
contre
la sentence arbitrale rendue le 11 avril 2001 par le Tribunal
arbitral CCI siégeant à Genève et composé de MM. Peter Gloor,
président, Hans-Georg Koppensteiner et Sabih Arkan, arbitres,
dans la cause qui oppose la recourante à Voest Alpine Industrieanlagenbau
GmbH, à Linz (Autriche), représentée par
Me Max H. Albers, avocat, à Zurich;

(arbitrage international; ordre public; abus de droit)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Par contrat du 27 mai 1997, la société Voest
Alpine Industrieanlagenbau GmbH (ci-après: Voest), à Linz
(Autriche), s'est engagée, moyennant rémunération, à réaliser
pour la société Özmak Makina Ve Elektrik Sanayi A.S. (ciaprès:
Özmak), à Gülveren-Ankara (Turquie), une usine de production
et de galvanisation de tubes.

En cours d'exécution, Özmak s'est plainte de certains
équipements fournis par Voest, soutenant qu'ils étaient
usagés, non conformes à l'état de la technique et de mauvaise
qualité. Une expertise effectuée ultérieurement a établi que
la plupart de l'équipement refusé était défectueux, en particulier que les pièces fabriquées en Inde étaient de mauvaise
qualité.

Face à cette situation, Özmak a fait appel aux garanties
pour un montant exagéré.

Pour tenter de régler leur différend, les parties
ont conclu un contrat supplémentaire le 14 novembre 1998.

Ce contrat supplémentaire n'a pas été exécuté de
part et d'autre. Voest a livré, six jours après la signature
du contrat supplémentaire, des équipements qui étaient également
défectueux; elle a parlé, dans sa correspondance, de réparer
les machines, alors que le contrat supplémentaire prévoyait
le remplacement du matériel défectueux; elle a soumis
un projet de garantie bancaire qui n'était pas conforme au
contrat supplémentaire. Pour sa part, Özmak a appelé les garanties
pour un montant excédant ce qui résulte du contrat
supplémentaire et n'a pas rempli son obligation d'ouvrir un
crédit documentaire.

Finalement, Özmak a résilié les rapports contractuels
le 10 février 1999.

Özmak a fait appel à un autre entrepreneur pour
achever les travaux.

B.- Le contrat du 27 mai 1997 prévoit qu'en cas de
litige entre les parties, le différend sera soumis à un tribunal
arbitral siégeant à Genève et régi par les règles de la
Chambre de Commerce Internationale; les arbitres devront appliquer
le droit suisse et la convention des Nations Unies
sur les contrats de vente internationale de marchandises; en
cas de contradiction entre le droit suisse et la convention
internationale, cette dernière devra prévaloir.

Par mémoire du 11 mai 1999, Voest a déposé une requête
d'arbitrage devant la Cour internationale d'arbitrage
de la Chambre de Commerce Internationale, à Paris.

Le Tribunal arbitral, siégeant à Genève, a été
constitué de Peter Gloor, président, de Hans-Georg Koppensteiner
et de Sabih Arkan.

Voest a pris des conclusions en paiement contre sa
partie adverse, laquelle, concluant au rejet de la demande, a
pris des conclusions reconventionnelles en paiement.

Le Tribunal arbitral a rendu sa sentence le 11
avril 2001, condamnant Özmak à payer à Voest la somme de
31 470 600 ATS (shillings autrichiens), ajoutant qu'Özmak
était tenue de restituer, sans frais pour elle, les équipements
défectueux et statuant par ailleurs sur les intérêts,
les frais et les dépens.

Le Tribunal arbitral a tout d'abord constaté qu'il
devait appliquer, sur la base de la clause compromissoire

contenue dans le contrat, le droit suisse et la convention
des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de
marchandises; en cas de contradiction entre les deux, la convention
prévaudrait.

Il a ensuite constaté que les équipements refusés
étaient de qualité insuffisante. Il a admis également
qu'Özmak avait fait appel aux garanties pour un montant exagéré.
Quant au contrat supplémentaire, il a constaté qu'aucune
des parties ne l'avait respecté et en a déduit qu'Özmak
ne pouvait s'en prévaloir.

Il a estimé que ni les clauses contractuelles, ni
le droit suisse, ni la convention internationale ne réglaient
la situation où un contrat a été résilié ensuite d'une mauvaise
exécution de part et d'autre; il a considéré qu'il ne
pouvait dégager une volonté hypothétique des parties et qu'il
devait combler une lacune.

Vu l'impasse dans laquelle se trouvait les parties,
il a admis que le contrat avait valablement pris fin au plus
tard avec la résiliation du 10 février 1999; malgré cette résiliation,
il a estimé que les parties restaient tenues par
les clauses contractuelles régissant la responsabilité et la
réparation des dommages. Il a conclu qu'Özmak devait payer le
prix contractuel pour l'équipement livré et accepté, sous déduction
des sommes déjà versées; il a tenu compte dans son
calcul de l'appel injustifié des garanties. Il a retenu
qu'Özmak ne devait pas payer les équipements rejetés (sous
réserve d'une scie volante) ou non livrés avant la résiliation;
il a précisé que Voest était en droit d'aller chercher
à ses frais l'équipement rejeté par Özmak. Il a admis
qu'Özmak avait renoncé implicitement à une retenue de garantie
de 20% sur le solde du prix. Il a mis à la charge de
Voest l'indemnité contractuelle (selon le contrat et non le
contrat supplémentaire) pour retard dans l'exécution; il a

réparti entre les deux parties le coût supplémentaire résultant
du fait que les travaux ont été terminés par une autre
entreprise; il a jugé que les travaux de supervision invoqués
par Voest n'avaient pas été prouvés; enfin, il a statué sur
les intérêts, partagé les frais de la procédure et compensé
les dépens.

C.- Özmak a formé un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de la sentence attaquée
avec suite de dépens. Elle soutient que le Tribunal
arbitral a violé le principe "pacta sunt servanda" en choi-
sissant, de manière incohérente, d'appliquer certaines clauses
contractuelles et d'en écarter d'autres; elle estime également
que le Tribunal arbitral s'est arrogé le droit de statuer
en équité, plutôt que d'appliquer le droit suisse choisi
par les parties; elle reproche enfin au Tribunal arbitral
d'avoir statué ultra petita en prévoyant la restitution des
équipements défectueux, alors que sa partie adverse n'avait
pris aucune conclusion à ce sujet.

L'intimée conclut au rejet du recours, dans la mesure
où il est recevable, avec suite de frais et dépens.

Au terme de ses observations, le président du Tribunal
arbitral propose le rejet du recours.

La requête d'effet suspensif présentée par la recourante
a été rejetée par ordonnance présidentielle du 26
juillet 2001.

La recourante requiert la fixation d'un délai pour
le dépôt d'un mémoire complémentaire.




C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

1.- Dans la procédure du recours de droit public,
un second échange d'écritures n'a lieu qu'exceptionnellement
(art. 93 al. 3 OJ). Il ne se justifie pas de déroger à cette
règle dans le cas particulier.

2.- a) Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de
droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence
arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP. Il convient
donc d'examiner en premier si les conditions prévues
par ces dispositions sont réunies.

Comme le siège du Tribunal arbitral a été fixé en
Suisse (à Genève) et que l'une des parties au moins (en l'occurrence
les deux) n'avait, au moment de la conclusion de la
convention d'arbitrage, ni son domicile, ni sa résidence habituelle
en Suisse, les art. 190 ss LDIP sont applicables
(art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties n'en ont
pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer
exclusivement les règles de la procédure cantonale en matière
d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP).

Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191
al. 1 LDIP est ici ouvert, puisque les parties n'ont pas
choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale
(art. 191 al. 2 LDIP). Il n'apparaît pas non plus que les
parties aient exclu conventionnellement ce recours (cf. art.
192 LDIP).

Le recours ne peut être formé que pour l'un des mo-
tifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP
(ATF 127 III 279 consid. 1a p. 282; 119 II 380 consid. 3c p.
383).

La sentence attaquée étant une décision finale, le
recours est ouvert pour tous les motifs prévus par l'art. 190
al. 2 LDIP (art. 190 al. 3 LDIP a contrario).

Ayant ainsi constaté que le recours est ouvert, il
faut maintenant examiner si les règles de procédure ont été
respectées.

b) Pour le recours en matière d'arbitrage international,
la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par
les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire
relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1 2ème
LDIP).

La recourante est personnellement touchée par la
décision attaquée, qui la condamne à paiement et rejette ses
conclusions reconventionnelles, de sorte qu'elle a un intérêt
personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision
n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant
de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité
pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est
en principe recevable.

Hormis certaines exceptions, il n'a qu'un caractère
cassatoire (ATF 127 II 1 consid. 2c, 279 consid. 1b; 126 III
534 consid. 1c; 124 I 327 consid. 4).

c) Dès lors que les règles de procédure sont celles
du recours de droit public (art. 191 al. 1 2ème phrase LDIP),
la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément
aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279
consid. 1c; 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours
de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs

admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte de recours (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279
consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). La recourante
devait donc indiquer quelles hypothèses de l'art.
190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en partant de
la décision attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi
consisterait la violation du principe invoqué (ATF 127 III
279 consid. 1c); ce n'est qu'à ces conditions qu'il est possible
d'entrer en matière.

3.- a) Se référant au motif de recours prévu par
l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, la recourante soutient que la
sentence arbitrale serait incompatible avec l'ordre public,
parce que le Tribunal arbitral n'aurait pas respecté le principe
"pacta sunt servanda" en choisissant, de manière incohérente,
d'appliquer certaines clauses contractuelles et d'en
écarter d'autres.

aa) De façon générale, la réserve de l'ordre public
doit permettre de ne pas apporter de protection à des situations
qui heurtent de manière choquante les principes les
plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en
Suisse (ATF 126 III 534 consid. 2c p. 538; 125 III 443 consid.
3d).

On distingue un ordre public matériel et un ordre
public procédural (ATF 126 III 249 consid. 3a).

Une sentence est contraire à l'ordre public matériel
lorsqu'elle viole des principes juridiques fondamentaux
du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec
l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au
nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle,
le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction
de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires
ou spoliatrices, ainsi que la protection des

personnes civilement incapables (ATF 120 II 155 consid. 6a p.
166 et les références).

L'ordre public procédural garantit aux parties le
droit à un jugement indépendant sur les conclusions et l'état
de fait soumis au Tribunal arbitral d'une manière conforme au
droit de procédure applicable; il y a violation de l'ordre
public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement
reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction
insupportable avec le sentiment de la justice, de
telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les
valeurs reconnues dans un Etat de droit (cf. ATF 126 III 249
consid. 3b et les références). Au nombre de ces garanties figure
le droit à un procès équitable (ATF 126 III 327 consid.
2b et les arrêts cités).

Pour qu'il y ait contrariété avec l'ordre public,
il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées
(arrêt publié in SJ 1991 p. 13 consid. 2a), qu'une constatation
de fait soit manifestement fausse (ATF 121 III 331 consid.
3a; 116 II 634 consid. 4 p. 636) ou qu'une règle de
droit ait été clairement violée (ATF 116 II 634 consid. 4a p.
637; arrêt publié in SJ 1991 p. 13 consid. 2a). Seule une
violation d'un principe fondamental peut entraîner l'annulation
de la sentence attaquée. Il ne suffirait d'ailleurs pas
qu'un motif invoqué heurte l'ordre public, il faut encore que
la sentence attaquée, dans son résultat, soit contraire à
l'ordre public (ATF 116 II 634 consid. 4 p. 637).

bb) En l'espèce, la recourante invoque une violation
de l'ordre public matériel, soit plus précisément une
violation du principe de la fidélité contractuelle ("pacta
sunt servanda").


Selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation
du principe "pacta sunt servanda" que si l'arbitre admet


que les parties sont juridiquement liées par une clause contractuelle,
mais refuse néanmoins de l'appliquer ou, à l'inverse,
s'il admet que les parties ne sont pas juridiquement
tenues par une clause contractuelle, mais leur en impose
néanmoins le respect; il faut donc que le tribunal accorde ou
refuse une protection contractuelle en se mettant en contradiction
avec le résultat de son interprétation à propos de
l'existence ou du contenu d'un acte juridique dont une partie
se prévaut (arrêt non publié du 14 juin 2000, dans la cause
4P.12/2000, consid. 4a/cc; arrêt non publié du 26 mai 1999,
dans la cause 4P.62/1999, consid. 1a/bb; cf. également: ATF
120 II 155 consid. 6c/cc p. 171; 116 II 634 consid. 4b p.
638). C'est dire, comme le souligne un auteur, que la quasitotalité
du contentieux dérivé de la violation du contrat est
exclue du champ de protection du principe de la fidélité contractuelle,
envisagée sous l'angle de l'ordre public auquel
se réfère l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (Schweizer, in Revue
suisse de droit international et européen 1998 p. 566).


cc) En l'espèce, le Tribunal arbitral a retenu que
les parties avaient valablement conclu le contrat du 27 mai
1997, mais que celui-ci avait été résilié le 10 février 1999,
notamment en raison de défauts persistants apparus en cours
d'exécution. Le droit suisse connaît, à certaines conditions,
la possibilité de résilier un contrat d'entreprise en cours
d'exécution, notamment lorsque des défauts apparaissent (cf.
ATF 126 III 230 consid. 7a/bb). On ne saurait donc dire que
la construction retenue par le Tribunal arbitral heurte de
manière choquante un principe fondamental de l'ordre juridique,
tel qu'il est conçu en Suisse. Surtout, la construction
juridique adoptée ne dénote en rien un refus de respecter le
principe de la fidélité contractuelle.


Le Tribunal arbitral a considéré que certaines
clauses contractuelles, concernant la réparation du dommage
et la responsabilité, continuaient de lier les parties. Ces


clauses ont manifestement été conçues pour l'hypothèse où les
obligations contractuelles ne seraient pas respectées et où
les relations entre les parties tourneraient mal; on ne voit
pas en quoi il serait contraire à l'ordre public de les interpréter
en ce sens que les parties ont voulu qu'elles continuent
de les lier même si le contrat, en ce qui concerne
les obligations principales, venait à être résilié pour cause



De mauvaise exécution. Cette construction juridique ne heurte
pas les principes fondamentaux du droit et est parfaitement
compatible avec le principe de la fidélité contractuelle. Il
s'agit en effet d'une pure question d'interprétation du contrat.


Selon la recourante, le Tribunal arbitral aurait
appliqué partiellement le contrat supplémentaire. Sur la base
des explications qu'elle présente, il apparaît cependant que
le Tribunal arbitral pouvait arriver aux mêmes conclusions
sans admettre que les parties étaient liées par le contrat
supplémentaire; il ne ressort d'ailleurs pas de la sentence
que le Tribunal arbitral aurait admis que les parties étaient
tenues par cette convention. Le Tribunal arbitral a refusé
d'appliquer la clause relative à l'indemnisation forfaitaire
pour le retard en considérant qu'aucune des parties n'avait
respecté le contrat supplémentaire et que la recourante ne
pouvait pas invoquer en sa faveur un contrat qu'elle n'avait
elle-même pas exécuté. Le Tribunal arbitral aurait pu parvenir
à la conclusion, sur la base de l'attitude des parties
(inexécution de part et d'autre), qu'elles avaient ainsi manifesté,
réciproquement et de manière concordante, leur volonté
de supprimer les effets du contrat supplémentaire. Une
telle convention ne violerait pas l'ordre public et en particulier
le principe "pacta sunt servanda". Le Tribunal arbitral
pouvait aussi envisager de retenir un abus de droit
(art. 2 al. 2 CC) en s'inspirant de l'exceptio non adimpleti
contractus (art. 82 CO). En définitive, ces questions touchent
à la bonne application des dispositions légales et contract


tractuelles; elles ne sauraient fonder le grief de violation
du principe "pacta sunt servanda".


Savoir si l'intimée a commis une négligence grave
au regard des clauses contractuelles est une question d'appréciation
et d'interprétation; il n'y a pas de place ici
pour une violation du principe "pacta sunt servanda".



Dire si la recourante était fondée à faire appel
aux garanties dans la mesure où elle l'a fait est une pure
question d'interprétation et de bonne application des clauses
contractuelles, voire des dispositions légales.


Il en va de même de la question de savoir qui devait
assumer les frais supplémentaires dus à l'achèvement par
une autre entreprise.



Toutes ces questions sont étrangères au grief de
violation du principe "pacta sunt servanda", qui ne permet de
sanctionner que le refus de tenir compte du caractère contraignant
d'un accord de volonté valable.


Dans la mesure où la recourante reproche au Tribunal
arbitral d'avoir mal compris la volonté des parties, de
ne pas avoir trouvé la clause applicable, d'avoir mal interprété
ou appliqué la convention des parties, elle soulève des
questions qui relèvent de la bonne application du contrat, et
non pas du principe "pacta sunt servanda". Le recours de
droit public n'est pas ouvert pour invoquer une mauvaise application
par l'arbitre des clauses contractuelles (cf. art.
190 al. 2 LDIP).


Dans la mesure où la recourante soutient que le
Tribunal arbitral n'a pas correctement déterminé les dispositions
de droit suisse applicables, qu'il a mal interprété ou
mal appliqué ce droit, elle soulève des questions qui relèvent
de la bonne application du droit fédéral et sont étrangères
au principe "pacta sunt servanda". Comme on l'a vu, le
recours de droit public ne vise pas à sanctionner une simple
violation de la loi par les arbitres (cf. art. 190 al. 2
LDIP).


Ce premier grief est donc entièrement infondé.

b) Hésitant sur la base juridique de son grief
(art. 190 al. 2 let. b, d ou e LDIP), la recourante soutient
que le Tribunal arbitral s'est arrogé le droit de statuer en
équité, plutôt que d'appliquer le droit choisi par les parties.

Ce grief est dépourvu de tout fondement. En effet,
le Tribunal arbitral a d'emblée, en se référant à la clause
contractuelle, relevé qu'il devait appliquer le droit suisse
et la convention de Vienne, ajoutant qu'en cas de contradiction,
la convention de Vienne prévalait. Il s'est donc efforcé
de déterminer quel était le droit choisi par les parties.
Contrairement à ce que soutient la recourante, il n'a pas
fait qu'une déclaration formelle pour appliquer ensuite les
règles de l'équité (hypothèse envisagée par l'ATF 116 II 634
consid. 4a p. 637). Il s'est efforcé de raisonner en droit
suisse, citant tout au cours de son raisonnement plusieurs
dispositions légales (art. 35 de la Convention de Vienne,
art. 82 CO, art. 77, 49 et 51 de la Convention de Vienne,
art. 366 et 368 CO, art. 7 de Convention de Vienne, art. 116
LDIP, art. 1 et 2 CC, art. 18 CO). Le Tribunal arbitral s'est
donc efforcé d'appliquer le droit choisi par les parties. Savoir
s'il l'a bien ou mal appliqué est une autre question.

Dans la mesure où la recourante soutient que le
tribunal arbitral n'a pas trouvé les dispositions applicables,
qu'il a mal interprété ou mal appliqué le droit fédéral,
elle soulève des questions qui concernent la bonne ap-
plication du droit suisse. Or, le recours de droit public ne
permet pas de se plaindre d'une simple violation du droit applicable
(cf. art. 190 al. 2 LDIP).

c) Invoquant l'art. 190 al. 2 let. c LDIP, la recourante
reproche au Tribunal arbitral d'avoir statué ultra
petita, en prévoyant la restitution des équipements défectueux,
alors que l'intimée n'avait pris aucune conclusion à
ce sujet.

aa) Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un
droit n'est pas protégé par la loi.


Ce principe vaut également dans le domaine de la
procédure (ATF 123 III 220 consid. 4d p. 238; 111 II 62 consid.
3, 429 consid. 2d p. 438; 107 Ia 206 consid. 3a).


Dire s'il y a abus de droit dépend de l'analyse des
circonstances du cas concret (ATF 121 III 60 consid. 3d; 111
II 242 consid. 2a).


Il peut y avoir abus de droit, notamment, lorsqu'une
institution juridique est détournée de son but (ATF
122 II 134 consid. 7b, 289 consid. 2a; 122 III 321 consid.
4a), lorsqu'un justiciable tend à obtenir un avantage exorbitant
(ATF 123 III 200 consid. 2b p. 203), lorsque l'exercice
d'un droit ne répond à aucun intérêt (ATF 123 III 200
consid. 2b p. 203) ou encore, à certaines conditions, lorsqu'une
personne adopte un comportement contradictoire ("venire
contra factum proprium": cf. ATF 125 III 257 consid. 2a;
123 III 70 consid. 3c p. 75, 220 consid. 4d p. 228; attitude


complètement contradictoire: cf. Merz, Commentaire bernois,
n. 444 ss ad art. 2 CC).


bb) L'interdiction faite à l'arbitre de statuer ultra
petita (cf. art. 190 al. 2 let. c LDIP) a pour but de
protéger le justiciable contre le risque qu'il soit statué
sur un point inattendu, au sujet duquel il n'a pas pu faire
valoir ses moyens; la règle a aussi pour but d'éviter que
l'arbitre n'accorde à la partie demanderesse davantage
qu'elle ne demande, compte tenu de sa liberté de disposer de
son patrimoine.

En l'espèce, la recourante ne tente même pas de
montrer qu'elle aurait eu un moyen à faire valoir pour s'opposer
à la restitution du matériel défectueux qu'elle n'a pas
payé; elle ne tente pas non plus de rendre vraisemblable que
sa partie adverse aurait renoncé à cette restitution.

En réalité, la recourante poursuit un but totalement
étranger à l'art. 190 al. 2 let. c LDIP: elle espère que
sa partie adverse renoncera à une nouvelle procédure pour
exiger la restitution des équipements, escomptant ainsi pouvoir
conserver des équipements qu'elle n'a pas payés, ce qui
constituerait un avantage exorbitant qui ne trouve aucune
forme de justification.

Surtout, la recourante adopte une attitude contradictoire.
Il faut, en effet, rappeler que l'intimée réclamait
paiement; la recourante a fait valoir qu'elle n'avait pas à
payer des équipements défectueux; le Tribunal arbitral lui a
donné satisfaction. La recourante ne peut donc pas maintenant
tenter, par un moyen de procédure, de conserver des équipements
qu'elle n'a pas eu à payer, alors qu'elle avait fait
valoir qu'ils étaient défectueux au point qu'elle n'en voulait
pas. En essayant de conserver ce qu'elle a refusé, la

recourante adopte dans la procédure un comportement parfaitement
contradictoire.

Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur son
grief, parce qu'il procède d'un abus de droit qui ne mérite
pas protection (art. 2 al. 2 CC).

4.- Le recours doit ainsi être entièrement rejeté;
les frais et dépens seront en conséquence mis à la charge de
la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,

l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :
1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 20 000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 25 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et au président du Tribunal arbitral.
__________
Lausanne, le 18 septembre 2001
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,
Referring Principles
A project of CENTRAL, University of Cologne.