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Cour de cassation de Belgique, 7437, 5th June 1992

Title
Cour de cassation de Belgique, 7437, 5th June 1992
Content
LA COUR; - Vu le jugement attaqué, rendu le 7 juin 1990 par le tribunal de commerce d'Anvers, statuant en degré d'appel;

Sur le deuxième moyen, libellé comme suit : "violation des articles 97 de la Constitution, 1134, 1135, 1317, 1319, 1320 et 1322 du Code civil, et du principe général du droit suivant lequel la renonciation à un droit doit être interprétée d'une manière restrictive et ne peut se déduire que de faits ou d'actes qui ne sont susceptibles d'aucune autre interprétation;

en ce que le jugement attaqué rejette la demande tendant au remboursement du précompte immobilier depuis 1984 les motifs 'qu'un loyer fixé pour trois ans, à partir du 1er mai 1984, a été stipulé à l'article 17 du bail; qu'en l'espèce, la bailleresse n'a pas protesté pendant une période de cinq ans ni demande le paiement de ce précompte pendant la même période; qu'en ce qui concerne les trois premières années, ce serait même contraire aux stipulations de l'article 17 du bail; qu'il y a lieu d'examiner ces points à la lumière de la théorie de la '<rechtsverwerking>'; que chaque année, la bailleresse a en effet payé elle-même le précompte immobilier et qu'eu égard à la somme relativement importante dont il s'agit, il est peu plausible qu'elle aurait omis d'en réclamer le remboursement ou qu'elle ne l'aurait pas demandé; que, par ailleurs, le bail prévoit le paiement du précompte immobilier relatif à l'année 1984 et que, manifestement, il n'a pas été réclamé cette année; qu'un tel comportement pendant plusieurs années implique une renonciation tacite au droit de réclamer le remboursement de cette dépense; qu'elle a ainsi manifesté ne pas vouloir exercer son droit et qu'eu égard à l'exécution de bonne foi des conventions, la demande tendant à l'exercice de ce droit doit être rejetée (Limburgs Rechtsleven, 1986, 205, et la note de VANDEURZEN); qu'en ce qui concerne le précompte immobilier, le comportement que l'intimée a eu pendant des années est contraire au droit exercé actuellement';

alors que, deuxième branche, les conventions tiennent lieu de loi aux parties; que ce principe, consacré par l'article 1134 du Code civil, a une portée générale et que, sauf prescription ou abus de droit, le fait de ne pas exercer un droit, même pendant plusieurs années, n'est pas contraire à l'exécution de bonne foi de la convention telle qu'elle est prévue à l'article 1134 précité et ne peut davantage susciter chez l'autre partie contractante un espoir légitime d'être libéré de sa dette et, dès lors, n'entraîne pas l'extinction du droit d'action de l'autre partie, de sorte qu'en décidant que, n'ayant pas exercé son droit pendant plusieurs années, la demanderesse doit être déboutée de sa demande en raison de la '<rechtsverwerking>', le jugement attaqué viole l'article 1134 du Code civil;

troisième branche, la renonciation à un droit doit être interprétée d'une manière restrictive et ne peut se déduire que de faits ou d'actes concordants desquels il ressort uniquement, avec certitude et sans autre interprétation possible, que l'une des parties a renoncé à son droit; que, dans la mesure où le jugement attaqué se serait aussi fondé sur une renonciation à un droit, étrangère à la '<rechtsverwerking>', le paiement du précompte immobilier effectué pendant des années par un bailleur n'ayant exercé aucun recours à l'égard du preneur n'implique pas en soi et à défaut de toute autre expression de volonté que celui-ci a renoncé à son droit au remboursement, dès lors que, d'une part, ce paiement relève de ses propres obligations fiscales et, d'autre part, l'absence de demande de remboursement peut être due à une erreur et/ou une négligence, de sorte que le jugement attaqué ne déduit pas légalement des éléments précités qu'il y a eu renonciation à ce droit (violation du principe général du droit cité par le moyen)";

Quant aux deuxième et troisième branches :

Attendu que le jugement attaqué considère sur la base de l'interprétation du bail qu'aucun paiement du précompte immobilier n'était dû pendant les trois premières années du bail; qu'en tant qu'il est dirigé contre la considération des juges que la demanderesse aurait laissé "s'éteindre" son droit ou y aurait renoncé pour cette période, le moyen en ces branches ne saurait entraîner une cassation et est, dès lors, irrecevable;

Attendu que les juges d'appel ont décidé, pour le surplus, que "le comportement que (la demanderesse) a eu pendant des années est contraire au droit exercé actuellement" et ont déclaré non fondée la demande de la demanderesse tendant au remboursement du précompte payé par la propriétaire sur la base de cette  considération;

Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi, sans abus de droit; que le fait d'avoir eu un comportement contraire au droit exercé ne constitue pas en soi un motif pour exonérer l'autre partie de l'exécution de son obligation;

Que, dans cette mesure, le moyen, en ces branches, est fondé;

Sur le troisième moyen, libellé comme suit : "violation des articles 17, 18, 1042, 1050, 1054, 1056, 4°, et 1068 du Code judiciaire,

en ce que le jugement attaqué déclare irrecevable l'appel incident de la demanderesse tendant à entendre mettre à néant la désignation de l'expert décidée par le premier juge et rejeter comme non fondée la demande reconventionnelle originaire, sur la base des considérations 'qu'il y a appel limité et qu'aucun appel n'a été interjeté en ce qui concerne la désignation de l'expert; qu'un appel incident formé par (la demanderesse) ne peut avoir pour objet que le rejet ou l'accueil partiel de la demande qu'elle a elle-même introduite et non la demande reconventionnelle introduite originairement par (la défenderesse); que, dès lors, l'appel incident en tant qu'il tend à l'annulation de la décision relative à l'expert, est irrecevable',

alors qu'une partie intimée peut interjeter appel de toutes les dispositions du jugement dont appel qui lui portent atteinte, sans distinction et sans égard au fait que l'appel principal est ou non limité, contre toutes les parties en cause devant le juge d'appel et, à plus forte raison, contre la partie qui a formé appel contre elle, de sorte qu'en déclarant l'appel incident de la demanderesse irrecevable, le jugement attaqué viole les dispositions légales citées par le moyen" :

Attendu qu'une partie intimée peut, à tout moment, interjeter incidemment appel de toutes les dispositions qu'elle considère pouvoir lui causer préjudice même si l'appel principal est limité, pour autant que l'appel incident soit dirigé contre une partie en cause devant le juge d'appel;

Qu'en décidant que la demanderesse ne pouvait interjeter appel de la décision du premier juge relative à la désignation de l'expert, les juges d'appel ont violé les dispositions légales citées par le moyen;

Par ces motifs, casse le jugement attaqué en tant qu'il détermine le montant des adaptations du loyer, décide que le précompte immobilier n'est pas dû, se prononce sur l'appel incident de la demanderesse relative à la désignation de l'expert et statue sur les dépens; rejette le pourvoi pour le surplus; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond; renvoie la cause ainsi limitée devant le tribunal de commerce de Turnhout, siégeant en degré d'appel.

Note

Cass. 17 mai 1990, RG 8685, (Bull. et Pas., 1990, I, n° 546); Cass. 20 février 1992, RG 9050, (Bull. et Pas., 1992, I, n° 325);

STORME, M.E., "Repelsteeltje, de windmolen en de swaanridder; Of het hof van Cassatie en de <rechtsverwerking>", Recente Cassatie, 1992, p. 212;
Referring Principles
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