[...] 1172 [...] « Le demandeur soutient que : « Il ne fait absolument aucun doute que [la filiale du défendeur] fait partie d'un groupe de sociétés sur lequel [le défendeur} exerce un contrôle absolu, [la filiale du défendeur] n'ayant pour sa part aucun pouvoir de décision ... ».
De plus, le demandeur soutient que [le défendeur] et ses filiales forment un :
« ... groupe de sociétés qui se caractérise par le plus haut degré possible de centralisation du pouvoir et d'unité dans l'objectif économique... ».
Les sentences arbitrales dans lesquelles une convention d'arbitrage signée par certains membres d'un groupe de sociétés se sont avérées lier les autres membres du groupe sont bien connues ; le demandeur en particulier fait référence à l'affaire CCI 4131/1982 (Dow Chemical cl Isover Saint Gobain).
L'extension de la convention d'arbitrage à une partie qui n'est pas signataire de cette convention est une question qui doit être abordée avec prudence.
L'autonomie des parties est la base du droit de l 'arbitrage et le pouvoir d'un tribunal arbitral est tiré d'une référence consensuelle. Le corollaire de l'autonomie des parties est l'effet relatif des contrats . La doctrine de l'effet relatif des contrats est partagée par la plupart des systèmes juridiques, et est explicitement reconnue à l'article 152 du Code civil égyptien qui dispose qu'un contrat ne crée pas d'obligations liant les tiers. Il convient également de reconnaître que dans certains Etats, y compris en Egypte, l'accès aux juridictions étatiques pour la détermination des droits est reconnu et protégé par leurs constitutions respectives. De plus, le concept de la personnalité juridique distincte des sociétés est établi depuis longtemps dans le commerce international et la légitimité de la répartition par un groupe de sociétés des droits et des obligations contractuels entre différentes personnes morales doit également être respectée.
Les concepts de « groupe de sociétés » ou de « réalité économique unique » sont apparus dans de nombreuses sentences et ont été débattus dans des articles de doctrine mais leur utilité analytique veut être mise en cause. Ces concepts encouragent la preuve et l'argumentation, comme dans la présente espèce, sur ce qui définit un groupe de sociétés ou une réalité économique unique. L'extension d'une convention d'arbitrage à un non-signataire n'est pas une simple question de structure ou de contrôle entre sociétés mais plutôt une question de participation du non-signataire aux négociations, à la conclusion ou à l'exécution du contrat
ou de son attitude (y compris des déclarations expresses ou implicites ou la mauvaise foi) envers la partie qui cherche à introduire le non-signataire dans l'arbitrage (ou à l'en exlure). C'est de cette participation au contrat ou de son attitude envers l'autre partie que le tribunal arbitral peut déduire « la commune intention des parties... » qui a été reconnue dans de nombreuses sentences (y compris l'affaire Dow Chemical) comme justifiant l'extension de la clause compromissoire à un non-signataire.
Le Tribunal est conforté dans cette opinion par la décision de l'affaire Westland Helicopters, dans laquelle le Tribunal fédéral suisse a déclaré que le strict contrôle d'une entité juridique par une autre ou la relation étroite entre deux entités « n'est pas un élément suffisant pour renverser la présomption résultant de l'absence de signature de la clause compromissoire par [une entité] selon laquelle seule la société qui a signé la clause est partie à l'arbitrage... ».
Le Tribunal arbitral dans l 'affaire CCI n" 5721/1990 a déclaré:
« ... l'appartenance de deux sociétés à un même groupe ou la domination d'un actionnaire ne sont jamais, à elles seules, des raisons suffisantes justifiant de plein droit la levée du voile social; Cependant, lorsqu'une société ou une personne individuelle apparaït comme etant le pivot des rapports contractuels intervenus dans une affaire particulière, il convient d'examiner avec soin si l'indépendance juriique des parties ne doit pas, exceptionnellement, être écartée au profit d'un jugement global. On acceptera une telle exception lorsque apparaît une confusion entretenue par le groupe ou l'actionnaire majoritaire... » (JDI 1990, p.1024).
Par conséquent, lorsqu'une structure sociale est utilisée de mauvaise foi comme un instrument de confusion ou de dissimulation, ou pour faire échec à une éventuelle sentence contre la partie nommée à une convention d 'arbitrage, alors le tribunal arbitral pourrait être justifié à lever le voile social. Le demandeur a soutenu que tel était le cas en l'espèce . En particulier, il soutient que la personnalité juridique distincte de [la filiale du défendeur] est une « .. . fiction ... » et qu'en conséquence des actions du [défendeur] [la filiale du défendeur] est ou a été liquidée, a transféré une partie de son actif à un autre membre du groupe et que « il est clair qu'il existe un risque véritable que les demandes du [demandeur] à l'encontre de [la filiale du défendeur] constituent [...] un recours illusoire ... ».
Il n'est pas contesté que conformément à la loi [égyptienne] n° 203/1991 le défendeur et [la filiale du défendeur] ont des personnalités juridiques distinctes et indépendantes. Le Tribunal reconnaît également qu'elles disposent de patrimoines financiers distincts et indépendants.
Le demandeur a apporté un certain nombre de preuves attestant l'exercice du contrôle par le défendeur sur [sa filiale].
L'assemblée générale de [la filiale du défendeur] est composée principalement de représentants du [défendeur] ,. le président et la plupart des membres du conseil d'administration de la filiale du défendeur sont nommés, conformément à la loi (L. n° 203/1991, art. 21), par [le défendeur] de même que le directeur général. De plus, le demandeur s'est appuyé sur les résolutions des actionnaires de [la filiale du défendeur] préparées par [le défendeur] et également sur « ... l'orientation générale... » commune du [défendeur] et de ses filiales. De l'avis du Tribunal, les actionnaires possèdent normalement ces pouvoirs de nomination et proposent et font des résolutions aux assemblées générales et il n'y a rien d'anormal dans le type ou le niveau de contrôle exercé par le défendeur sur ses filiales.
Ces preuves ne vont pas jusqu'à établir que la personnalité juridique distincte de [la filiale du défendeur] est une « ... fiction... » ou que le défendeur « ...exerce un contrôle absolu sur toutes les décisions... » de [la filiale du défendeur]. Le demandeur, se référant à la « doctrine sur la levée du voile social » soutient ensuite que l'extension au défendeur de la clause compromissoire contenue à 1174
l'article 17 du contrat est justifiée par la situation financière du signataire (à savoir [la filiale du défendeur]) et le « ... très sérieux risque... » que ses demandes à l'encontre de [la filiale du défendeur] s'avèrent un recours illusoire que [le défendeur] aurait provoqué au détriment du demandeur. Il a mentionné une transaction par laquelle [la filiale du défendeur] aurait transféré une partie substantielle de son actif (et, selon le demandeur, la partie la plus rentable) à une autre filiale du [défendeur], qui aurait laissé quelques doutes sur le statut juridique et la viabilité de [la filiale du défendeur], selon le demandeur, cette autre filiale n'étant pas partie à l'arbitrage.
Le défendeur, dans ses conclusions, a qualifié les préoccupations du demandeur, en ce qui concerne la solvabilité de [la filiale du défendeur] de « ... imaginaires... » et de « ... fictives... ».
Le contrat produit comme preuve par le demandeur ne soutient pas ses allégations.
Ce « Contrat concernant les conséquences juridiques découlant de la division de [la filiale du défendeur] » (ci-après désigné annexe x) effectue, il est vrai, untransfert d'éléments d'actif par [la filiale du défendeur] à une filiale mais seprésente également comme une restructuration de bonnefoi de sociétés. En particulier,on note:
1. L'annexe [x] prévoit un transfert non seulement d'éléments d'actif mais aussi des éléments du passif y afférents ;
2. L'actif net transféré ne représente que 12 % de l'actif net préexistant de [la filiale du défendeur] ;
3. Il ressort des documents déposés que le transfert a été effectué dans le respect des formalités juridiques et de la personnalité juridique de toutes les parties. Le transfert a eu lieu après une enquête et un rapport d'un comité constitué conformément à une résolution d'un administrateur du défendeur ; les recommandations du comité ont été approuvées à la fois par les administrateurs du défendeur et par une assemblée générale extraordinaire de [la filiale du défendeur] ; les éléments de l'actif et du passifont été évalués selon leur catégorie, apparemment par un comité constitué à cette fin et sur la base des comptes audités et il y a des indications selon lesquelles les évaluations auraient reçu un accord ministériel ; et
4. Une telle restructuration de filiales constitue l'un des objectifs énoncés dans les statuts du défendeur.
Sur la base de la preuve qui nous est présentée, l'annexe [x] constitue une opération sociale légitime. Il n'y a aucune preuve de dissimulation ou d'intention délibérée d'éviter l'exécution d'une éventuelle sentence contre [la filiale du defendeur] qui puisse justifier la levée du voile social.
Par conséquent, le Tribunal ne trouve aucune justification dans la structure sociale ou les opérations du défendeur et de ses filiales pour soutenir que le défendeur doit être considéré comme une partie au contrat. De même, le Tribunal ne trouve aucune justification pour lever le voile social afin de rendre le défendeur responsable au titre du contrat. » [...]