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ICC Interim Award to Case No. 10671, Clunet 2006, 1417

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ICC Interim Award to Case No. 10671, Clunet 2006, 1417
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ICC Interim Award to Case No. 10671, Clunet 2006

Contrat d'electio juris.- Séparabilité de la clause d'electio juris. -Validité de la convention (oui). - Attitude des parties et pragmatisme juridique.

Simulation. - Nature du contrat. - « Cause juridique » de l'obligation / du contrat. - Véritables parties à l'arbitrage et compétence du Tribunal arbitral. -Validité du contrat simulé. - Fraude à la loi (non), - Évasion fiscale et contrariété aux bonnes mœurs du commerce international (non). - Détermination de la conception nationale des bonnes mœurs applicable à la simulation frauduleuse.

Lex mercatoria. - Bonne foi dans les affaires commerciales internationales. -Rapports entre « nemo auditor propiam turpitudinem allegans », « venire contra factum proprium »et la bonne foi. - Opposabilité d'une simulation frauduleuse à l'une des parties y ayant participé (oui).

Sentence intérimaire sur la responsabilité rendue dans l'affaire CCI no. 10671

La sentence commencée établit qu'un contrat simulé, soumis au droit suisse, ayant pour cause de permettre à l'une des parties d'éviter le paiement d'impôts dans son pays, n'est contraire ni à l'ordre public international suisse ni aux bonnes mœurs du commerce international.

L'affaire CCI no. 10671 a donné lieu à quatre sentences arbitrales.

La première sentence intérimaire - portant sur la compétence in concreto du Tribunal arbitral - a déjà fait l'objet d'un commentaire au Clunet (cf. E. Silva Romero, Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, Chronique de sentences arbitrales : JDI 2005, p. 1268 et s.).

La deuxième sentence intérimaire a porté sur l'invitation faite par la demanderesse au Tribunal arbitral« (...) à ordonner à la défenderesse de lui verser

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la part d'avance des frais d'arbitrage lui incombant selon le Règlement de la CCI. La défenderesse s'est (...) opposée à cette requête (...) Le Tribunal arbitral, statuant sur la requête de remboursement d'avance déposée le 14 août 2001 par la demanderesse, a rendue une Sentence partielle par laquelle il a: (...) 1. Condamné [la partie défenderesse] à rembourser à [la partie demanderesse] la somme de US$ 40'000. -avec intérêts à 5 % l'an dès le 23 mai 2000 (...) 2. Mis à la charge de la défenderesse (...) les frais de la procédure sur requête de remboursement par la défenderesse de la provision d'arbitrage, tels que ces frais seront fixés dans le cadre de la sentence finale ».

Les questions théoriques et pratiques résultant de semences telles que celle décrite ci-avant ont déjà été examinées (cf. M. Secomb, Awards and Orders Dealing with the Advance on Costs in ICC Arbitration/ Theoretical questions and practical problems : Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI, vol. 14, n" 1 ; ICC Publishing 2003, p. 59 et s.).

La troisième sentence intérimaire (ci-après la « Sentence »), qui fait l'objet du présent commentaire, porte sur la responsabilité des parties.

Les faits de l'espèce doivent être rappelés. La société commerciale grecque X -SA - membre du groupe de la partie demanderesse - et la société Y - membre du groupe de la partie défenderesse - ont conclu un contrat dit « cadre » par lequel la société X devenait l'agent pour la Grèce de certaines sociétés du groupe de la société Y et devait conclure avec elles des contrats d'application. Les parties au contrat - cadre ont convenu que la commission en faveur de la société X serait de 4,85% du prix CIF des produits livres (sur les Incoterms, cf. E. ]olivet, Les Incoterms. Étude d'une norme du commerce international : Litec, 2003).

Le PDG de la société X, afin de rendre plus rentable l'opération commerciale pour son groupe, a néanmoins proposé - et le groupe de la partie défenderesse a accepté - (i) de limiter le pourcentage de la commission dans le contrat - cadre en faveur de la société X à 1,85 % et (ii) de conclure un contrat (en 1991) cette fois-ci entre la partie demanderesse, société off-shore du groupe X, et la partie défenderesse par lequel cette dernière s'engageait à verser une commission de 3 % à la partie demanderesse en paiement de services (une étude de marché) prétendument rendus par celle-ci en Grèce en faveur de la partie défenderesse.

Il a été démontré durant la procédure arbitrale que le but de conclure un contrat séparé entre la partie demanderesse et la partie défenderesse portant sur 3 % de la commission accordée par les deux groupes était d'éviter le paiement d'impôts en Grèce. Il s'agissait juridiquement d'une simulation. C'est en ce sens que le Tribunal arbitral souligne dans la Sentence que :

" Le Tribunal arbitral considérera donc comme avéré le point de vue de la défenderesse, selon lequel la division de la commission globale de 4,85 % entre [la société X] et [la partie demanderesse] n'impliquait pour la demanderesse aucune obligation de rendre les services promis dans le contrat et [la partie demanderesse] n 'a effectivement jamais réalisé l'étude de marché qui s'y trouve mentionnée ».

En 1993, la partie défenderesse a décidé de mettre fin au Contrat, et la partie demanderesse, pour sa part, a commencé l'arbitrage afin d'obtenir le paiement de commissions impayées.

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Subsidiairement à son objection à la compétence in concreto du Tribunal arbitral - qui a été rejetée dans la première sentence intérimaire mentionnée ci-avant, « (...) la défenderesse a fait valoir que le contrat invoqué était nid car simulé et contraire aux mœurs, étant destiné h violer le droit fiscal grec (...) ». C'est précisément les réflexions du Tribunal arbitral sur la simulation et la validité du Contrat qui se trouvent au cœur de la Sentence.

«IV. ENDROIT

47. Le Tribunal arbitral observe tout d'abord que les parties au présent arbitrage ont fait élection de droit, dans le contrat lui-même (art. 7), en faveur du droit suisse choisi pour régir « m every respect » le contrat et son interprétation. Cette élection de droit, parfaitement valable, n 'est en aucune manière remise en cause par les parties et c'est donc selon le droit suisse que le Tribunal arbitral statuera.

a) De la simulation

48. La défenderesse allègue que le contrat de 1991 est un acte simulé, donc nul, l'acte dissimulé consistant à détourner une partie de la commission due à [la société X] sur une société offshore, en violation des règles du droit des sociétés, voire du droit pénal, en tout cas du droit fiscal grecs. Cette violation du droit étranger rendrait l'acte dissimulé nul comme contraire aux mœurs (art. 20 al. 1 CO) [Code suisse des obligations].

49. Le contrat du 20 décembre 1991 prévoit que [la partie demanderesse] s'engage à réaliser en Grèce une étude de marché dont la défenderesse allègue qu'il n'était pas dans l'intention des parties d'en poursuivre l'exécution, que la demanderesse eût d'ailleurs été incapable de fournir. Le Tribunal arbitral a admis que cette interprétation de la volonté des parties, corroborée par les témoins [T] et [N], correspondait bien à la. réalité.

Le contrat constate l'engagement [de la partie défenderesse]de verser à [la partie demanderesse], en rémunération de ses services, une commission de 3 % des ventes réalisées en Grèce par [la partie défenderesse].Sous réserve du fait qu'il s'agit en réalité des ventes faites par [la société Y], cet engagement correspond à la volonté réelle des parties, confirmée par une exécution spontanée apparemment sans faille [par la partie défenderesse] jusqu'au 30juin 1993, et même au-delà puisque les derniers paiements sont intervenus en septembre 1993.

On peut donc en conclure que le contrat du 20 décembre 1991 est effectivement simulé, dans la mesure où il attribue à l'engagement de la défenderesse de payer une commission à la demanderesse une cause qui ne correspond pas à la volonté réelle des parties. La véritable cause juridique de cet engagement réside dans les services rendus en Grèce par [la société X] à[la société Y] et dont il était admis entre les parties que la rémunération normale était une commission de 4,85 %, correspondant, d'après le témoin [T],aux conditions du marché.

L'acte dissimulé par le langage du contrat du 20 décembre 1991, et correspondant à la réelle et commune intention des parties (art. 18, al. 1, CO) était donc un engagement de[la partie défenderesse] de payer à [la partie demanderesse] une commission de 3 % sur les ventes en Grèce de [la société Y], sans contrepartie de la part de [la partie demanderesse]. La conséquence de principe devrait donc être l'obligation de la défenderesse de payer cette commission sur toutes les opérations

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réalisées jusqu'au 30 juin 1993, sans pouvoir exiger de [la partie demanderesse] une prestation en échange, ni arguer de l'absence de prestation pour refuser le paiement.

Sauf si, comme le soutient la défenderesse, son engagement est frappé de nullité.

b) De la validité du contrat du 20 décembre 1991

50. [La partie défenderesse] allègue tout d'abord que l'accord en question constitue une fraude au droit fiscal grec car il tend à détourner de la société grecque [X] une rémunération lui revenant, pour l'attribuer à une société offshore dans laquelle elle échappera à l'impôt grec qui aurait normalement dû la frapper.

Certes, la vie des affaires montre que le versement à une société[offshore] d'une rémunération correspondant à des services rendus par une société ayant son siège dans un pays à fiscalité élevée peut être un moyen d'éviter le paiement des impôts normalement dus dans ce pays. Mais l'utilisation de telles structures est trop répandue, et parfois pour de bonnes raisons commerciales, pour que l'on puisse a priori et sans aucune preuve admettre une intention frauduleuse de la part des parties.

La défenderesse a affirmé que [la partie demanderesse] appartenait[au PDG de la société X] ou à lui et ses proches, sans que l'actionnariat et les structures d'un groupe[X], si un tel groupe existe, soient clairement établis. Rien n'exclut - ni ne prouve - que les bénéfices réalisés par[la partie demanderesse] apparaissent au niveau consolidé dans des comptes dégroupe ou soient déclarés comme dividendes par un ou plusieurs actionnaires.

51. Quelle serait cependant la situation si l'on voulait, par hypothèse, retenir comme vraisemblable la volonté des parties de soustraire à l'imposition en Grèce une part substantielle de la commission à laquelle il apparaît que[la société X] pouvait prétendre? Cette volonté passant par la mise au point d'un contrat simulé, l'opération serait sans doute, selon le droit grec, constitutive de fraude fiscale. D'où une violation du droit étranger susceptible de rendre le contrat immoral, et donc nul, au regard de l'article 20, alinéa 1er CO.

Il est admis en doctrine et en jurisprudence que la finalité du contrat sur laquelle les parties étaient d'accord peut être assimilée à l'objet du contrat au sens de l'article 20, alinéa 1er CO : une finalité illicite ou contraire au mœurs peut donc avoir pour conséquence la nullité d'un contrat dont l'objet au sens étroit ne serait pas vicié. « Le but du contrat doit se comprendre comme étant le but commun aux deux parties : ¿es bonnes mœurs sont violées si la finalité immorale du contrat en est la base pour l'un des cocontractants et si l'autre le sait ou doit- le savoir » (P. Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2* éd., Berne, 1997, p. 293).

Si la finalité du contrat est la violation du doit étranger, le contrat n 'est pas illicite, mais il peut être contraire aux mœurs. Pour qu 'il en soit ainsi, la loi étrangère violée doit protéger « des intérêts individuels ou sociaux d'une importance fondamentale, des biens juridiques que l'éthique et le respect de la dignité humaine placent au-dessus de la liberté contractuelle ; tel serait le cas d'un contrat, relatif à la traite des femmes ou au commerce des stupéfiants, mais non pas celui qui enfreint des mesures de politique commerciale ou de contrôle des changes (A TF [Arrêt du Tribunal fédéral] no. 76/1950, II p. 33 s.) » (P. Engel, op. cit., p. 275. - V. aussi Gauch/Schluep/ Schmid/Rey, Schweizerisches Obligationenrecht.Allgemeiner Teil, 7. Aufl., N. 675.

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-E. A. Kramer, Berner Kommentar ad Art. 19-20 OR, N. 162). Si cette conception peut sembler aujourd'hui trop restrictive, il paraît en tout cas justifié de ne frapper de nullité un contrat, par ailleurs soumis au droit suisse, que s'il viole une norme étrangère dont la violation serait sanctionnée par la nullité si une telle norme était édictée par le législateur suisse ou résultait de la conception suisse des bonnes mœurs. Ce critère est dans la logique qui inspire l'article 19 LDIP[Loi fédérale sur le droit international privé], aux termes duquel la prise en considération d'une norme impérative de droit étranger non directement applicable suppose que cette nonne mette en cause « des intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit ».

Or, et quel que soit par ailleurs le sort réservé en droit grec à un contrat ayant pour but la violation d'obligations fiscales à l'égard du fisc grec, il n'est pas évident que la sanction d'un contrat conclu pour frauder le fisc soit toujours, en droit suisse, la nullité civile. Il est sans doute significatif que le Commentaire bernois (E. A. Kramer, loc. cit., N. 137) ne cite qu'un exemple, au demeurant fort ancien (ATF48II270), de nullité d'un contrat ayant pour but unique une soustraction d'impôt. A travers des critères qui lui sont propres, tels que les notions d'opération insolite, de prestation appréciable en argent, etc., le droit fiscal suisse a les moyens de rétablir à seules fins fiscales ce qui lui apparaît comme la réalité économique, sans porter atteinte à la structure juridique voulue par les parties, sans toucher à leurs obligations contractuelles.

Le Tribunal arbitral estime donc que même si le contrat du 20 décembre 1991 était contraire au droit fiscal grec, il ne pourrait pour cette seule raison être considéré comme nul au regard du droit suisse.

52. La défenderesse allègue également que le contrat avec [la partie demanderesse] violerait le droit grec des sociétés du fait que la convention en cause aboutirait au « détournement de sommes destinées à une personne morale valablement constituée et qui a été ainsi dépouillée d'une partie de son patrimoine » (...). Elle ajoute qu'il y aurait là une violation « de l'ordre public international », qui imposerait la prise en considération du droit grec sur la base de l'article 19 LDIP.

La défenderesse ne cite cependant aucune disposition de droit grec qui serait ainsi violée. Elle ne prouve en rien non plus que l'opération violerait « le principe que les animateurs ou organes d'une personne morale valablement constituée ne sont pas autorisés à disposer librement et à leur profit exclusif des biens faisant partie du patrimoine distinct de la personne morale ou devant lui échoir ». Il convient de rappeler, en effet, qu'aucune information précise n'a été apportée au Tribunal arbitral au sujet des rapports entre [la société X] et [la partie demanderesse], de l'actionnariat de ces deux sociétés, de leur éventuelle appartenance à un même groupe, de l'existence possible de comptes de groupe, etc. toutes circonstances dont il peut parfaitement résulter qu 'au niveau consolidé, le contrat de décembre 1991 n 'ai rien changé.

En l'absence de précisions tant sur ces points défait que sur les normes du droit grec éventuellement méconnues, rien ne permet de soutenir que des « animateurs ou organes » de [la société X] auraient disposé « à leur profit exclusif» de biens de cette société. Il n 'est donc nullement prouvé que la société ait subi un dommage.

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Il apparaît en tout cas que la société [X] a poursuivi normalement son activité et quelle est encore (ou était bien après juin 1993) in bonis, de sorte que l'on ne saurait prétendre que le contrat avec [la partie demanderesse] était passé en fraude des droits des créanciers de la société grecque. Il n'est du reste pas allégué que ses créanciers aient subi un quelconque préjudice.

Dans la mesure où le détournement allégué par la partie défenderesse n'est pas prouvé à satisfaction de droit et où il n'est pas allégué qu'il ait eu une quelconque incidence sur la vie sociale de la société grecque et les intérêts de ses créanciers, rien ne permet de conclure, sur cette base, à l'illicéité du contrat.

53. Même si la nullité de principe du contrat devait être admise, son invocation par la défenderesse n'apparaîtrait pas conforme à la bonne foi en affaires.

En effet, elle admet avoir signé ce contrat en parfaite connaissance de cause et sans avoir jamais attendu de la demanderesse qu'elle rende les services qui y étaient spécifiés. Elle a ensuite payé, à huit reprises d'après les pièces produites, les commissions contractuellement prévues, en dernier lieu le 22 septembre 1993, soit après la fin du contrat avec la demanderesse. Ce faisant, elle a clairement manifesté à la demanderesse sa volonté de respecter le contrat qu'elle avait signé.

Ce n 'est que face aux réclamations subséquentes de[la partie demanderesse], et plus particulièrement dans le cadre du présent arbitrage, que la défenderesse a soulevé la nullité du contrat, pour éviter de payer le solde dû sur des commissions dont elle avait précédemment admis le bien-fondé puisqu'elle les avait payées conformément aux engagements pris. Ce faisant, elle adoptait une attitude contradictoire (Venire contra factum proprium) contraire aux bonne foi. En invoquant, pour se soustraire à des obligations librement acceptées, la violation du droit étranger à laquelle elle affirme avoir participé, la défenderesse méconnaît également le principeNemo auditur propriam turpitudinem allegans.

La jurisprudence du Tribunal fédéral montre qu'il peut y avoir abus de droit à invoquer une nullité absolue. S'agissant d'un contrat affecté d'un vice de forme, le Tribunal fédéral refuse de prendre en considération l'invalidité en résultant et tient «son invocation pour inadmissible lorsqu'elle viole les règles de la bonne foi et constitue un abus de droit manifeste au sens de l'article 2, alinéa 2 CC [Code civil suisse]. Le juge décide si tel est le cas en tenant compte de toutes les circonstances du cas concret. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la partie, qui a exécuté le contrat volontairement, sans erreur et au moins pour l'essentiel, viole les règles de la bonne foi lorsqu'elle refuse l'exécution en invoquant le vice de forme (A TF116II700 c. 3b ; 1212II330 c 2, 107 c. 3c. 3c) » (TF 7janvier 1999, S] 2000p. 534 s., 536). Il est vrai que le juge ne valide pas pour autant le contrat, mais accorde une prétention en exécution du solde fondée sur l'article 2 alinéa 2 CC (A TF 112II107 c. 3c), sur la responsabilité fondée sur la confiance (SJ2000 précité), voire sur l'article 41 CO (question laissée ouverte par l'arrêt SJ 2000 précité).

En l'espèce, on retiendra que s'agissant d'un cas ou la nullité de principe du contrat est pour le moins douteuse, la défenderesse ne saurait l'invoquer, et que même si le Tribunal arbitral croyait devoir la constater d'office, la défenderesse ne saurait se fonder sur cette nullité pour refuser de payer le solde des commissions qu'elle s'est, librement et en toute connaissance de cause, engagée à payer.

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54. En tout état, le Tribunal arbitral considère que la moralité en matière commerciale ne se trouverait pas satisfaite par la nullité du contrat.

La constatation de la nullité du contrat en cause dans le cadre du présent arbitrage aurait pour seule conséquence de permettre à la défenderesse de se dispenser de payer un solde de commissions relatives aux livraisons facturées par[la société Y] jusqu 'au 30 juin 1993. Or, il résulte sans ambiguïté des explications de la défenderesse et des témoins issus du groupe [de la partie défenderesse] qu 'une commission totale de 4,85 % était due par le groupe [de la partie défenderesse] au groupe [de la partie demanderesse], que cette commission a été divisée entre [la société X] et [la partie demanderesse] pour la période du 1er janvier 1992 au 30 juin 1993, et qu'elle a été versée en totalité à la société grecque à compter du 30 juin 1993. Monsieur [T] a ainsi déclaré devant le Tribunal arbitral :

« Je précise que la commission de 4,85% correspondait au marché et que pour nous elle a toujours été versée. En juin 1993, nous avons voulu en changer les modalités mais non le montant. À mon avis, la commission globale de 4,85 % devait être versée [au groupe X] avant comme après le 30 juin 1993 dans la mesure où les ventes avaient été effectuées et payées. ».

Même si le montant exact des commissions impayées donne lieu à discussions entre les parties, la défenderesse reconnaît que plus de 400 millions de lires de commissions relatives à des factures établies avant le 30 juin 1993 n'ont été payées ni à [la partie demanderesse], ni à [la société X]. Devant le Tribunal arbitral, le témoin [N] a déclaré :

« La décision a été prise par la société mère de ne pas effectuer ces paiements. La société [Y] nous a expressément dit qu'elle n'entendait plus payer ces commissions. ».

Loin de sauvegarder les intérêts du fisc grec ou de [la société X], la reconnaissance par le Tribunal arbitral de la nullité du contrat du 20 décembre 1991 ne profiterait qu 'à la défenderesse, ou du moins au groupe auquel elle appartient.

55. Le Tribunal arbitral s'est ainsi convaincu qu'une éventuelle violation du droit grec n'entraînerait pas nécessairement la nullité du contrat du 20 décembre 1991, et que la défenderesse n 'est, en tout état, pas recevable à invoquer cette prétendue nullité pour se soustraire à son obligation de régler les commissions impayées. Aussi a-t-il décidé d'admettre la validité du contrat, et l'obligation en résultant pour la défenderesse de payer à la demanderesse les commissions non versées sur les factures [de la société Y] antérieures au 1er juillet 1993.

Le Tribunal arbitral a enfin réservé sa décision quant au quantum des commissions impayées pour la sentence finale (quatrième sentence arbitrale dans cette affaire).

Referring Principles
A project of CENTRAL, University of Cologne.