This page uses so called "cookies" to improve its service (i.e. "tracking"). Learn more and opt out of tracking
I agree

ICC Award No. 8891, Clunet 2000, 1076 et seq.

Title
ICC Award No. 8891, Clunet 2000, 1076 et seq.
Content

1076

[...]

Sentence rendue dans l'affaire no 8891 en 1998.

[...]

Eléments de droit 

a) Illicéité de la corruption - principe et sources

i) La jurisprudence arbitrale

Le caractère illicite des contras portant sur le versement de pots-di-vin est bien établi dans la jurisprudence arbitrale. Bien que la corruption soit illicite dans la plupart des ordres juridiques, les arbitres ne se limitent généralement pas à fonder leur déclsion sur un droit étatique, mals font encore appel à un principe général du droit ou à l' ordre public international ou transnational. Ainsi, par exemple, dans la sentence CCI no 3913 portant sur un contrat par lequel une entreprise française avait chargé une société britannique de lui apporter son concours dans l'obtention du contrat à conclure avec le gouvernement d'un pays dAfrique contre le paiement d'une commission de 8 % du montant du marché. Saisis d'un litige relatif au versement des commissions, les arbitres considérèrent le contrat illicite dans les termes suivants:

"Il ressort à l'évidence de ce qui précède que (l'entreprise britannique) devait remlir L'office d'un intermédiaire financier, recevant une certaine somme d'argent qu'elle redistribuerait aux membres d'une filière composée de responsables locaux dont les "positions" permettaient de penser qu'ils étaient susceptibles de concourir favorablement à l'attribution à (l'entreprise française) du marché de...". En d'autres termes, la commission stipulée au profit de ( l' enreprise britannique) devait servir á payer ce qu'il est convenu d' appeler communément des "pots-de-vin". Le versement de "pots-de-vin" par (l'entreprise britannique) est la cause de l' engagement souscrit par (l'entreprise française)

[...]

Une telle cause est, en droit française, illicite et immorale.

[...]

1077

Cette solution n'est pas seulement conforme à l'ordre public française interne elle résulte également de la conception de l' ordre public international tel que la plupart des nations le reconnaît.

Si de telles pratiques ont pu être constatées dans certains pays, il est patent, néanmoins, que la communauté internationale des affaires et la plupart des gouvernements s'opposent à toute pratique corruptive. La Chambre de Commerce Internationale, entre autres, a établi des "Règles de conduite pour combattre l' exaction "et créé un Conseil International contre la corruption dans les transactions internationales, chargé notamment de suivre en permanence l'application de ces règles par les entreprises (cf. L'exaction et la corruption dans les transactions commerciales : Rapport adopté par la 131e session du Conseil de la Chambre de Commerce Internationale, 29 nov. 1977).

Il n'est pas sans intérêt de noter que la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale qui méconnaîtrait ces principes pourraient être, selon la Convention de New York du 10 juin 1958 (art. 5, § 2. a et b), refusées d'office par l'autorité judiciaire du pays où elles seraient demandées (Jarvin/ Derains : Recueil des sentences arbitrales de la CCI 1974- 1985, p. 497-8).

Une autre sentece CCI no 3916 arrive à la même conclusion pour des motif identiques. Le différend entre un demandeur iranien et une défenderesse grecque, tranché par un arbitre unique siégeant à Paris, concernait le paiement de commissions pour l'obtention de contrats avec l'Etat iranien. Après avoir examiné l'illicélté en droit national français et iranien, qui tous deux auraient pu s'appliquer, l'arbitre poursuivit son examen "d'après ce qui est considéré être la moralité dans les affaires internationales" et se fonda principalement sur la sentence CCI no 1110 rendue par le Juge Lagergren:

" Un précédent est constitué, à cet égard, par la sentence de la CCI rendue par l'arbitre Gunnar Lagergren [citation omise]. Apés avoir constaté que l'accort sur la base duquel un ex-fonctionnaire exigeait une commission pour son appui afin  d'obtenir un contrat avec un Gouvernment était contraire à deux législations, l'arbitre s'est référé à un principe de droit généralment reconnu par les nations civilisées selon lequel des ententes violant sérieusement les bonnes mœurs ou l'ordre public intenational sont mulles ou tout au moins ne peuvent pas donner lieu à exécution. Même si, dans un certain pays et à une certaine époque. la corruption de fonctionnaires est une méthode généralment acceptée dans les relations d'affaires, on ne peut ni du point de vue d'une bonne administration ni de celui de la moralité dans les affaires, clore ses yeux devant l'effet destructif de telles pratiques nocives. La présente sentence ne peut se dissocier de cet avis" ( JDI 1984, p. 93O/933. - V. en outre, Sentence no 6248 Yearbook: ICCA 1994 24/132. - Sentence no 2730: Recueil des sentences CCI, vol. I 4901/494. - Sentence no  4145: JDI 1985, p. 985 concernant la nullité selon le droit suisse. - Sentence CCI rendue en 1989: Bulletin de l'association suissl de l'arbitrage 1993 216/231·232, où l'arbitre admet le principe de la nullité pour corruption mais rejette l'argument faute de preuves).

ii) Doctrine en matière de'arbitrage 

La doctrine dominante adment l'existence d'un principe général concernant le caractère illicite de la corruption:

1078

"(...) il existe un consensus général constitutif d'un "droit commun des nations" en la matière" (Kosheri/Leboulanger, L'arbitrage face à la corruption et aux trafics d' influence; in: Rev.arb. 1985, p. 3,5).

Ou encore:

"(...) elle [la solution de la nullité pour cause tic corruption] résulte également de la conception de l'ordre public international tel que la plupart des nations le reconnaît" (note Y. D. sous la sentence rendue dans l'affaire no 4145 en 184 in: JDI 1985 p. 985, 989).

Egalement:

"On peut voir dans la condamnation arbitrale de la corruption l'application d'un principe général de droit "reconnu par les nations civilisées" ou encore la consécration d'une "règle matérielle d'application immidiate", aussi bien que le recours à un "ordre public transnational"; quelles que soient les étiquettes, c'est bien la même notion qui est en cause" (Lalive, Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international : Rev. arb. 1986, p. 329/337, no 22).

et d'ajouter:

"(...) la contrariété aux bonnes mœurs des pratiques de corruption et de vente d 'influence repose sur une règle "véritablement internationale, et il n'est pas douteux que cette régle doive être considérée comme d'ordre public transnational" (p. 339, no 28) (cf. aussi Lalive , Transnational (or Truley International) Public Policy and International Arbitration: ICCA 1986, p. 257 s. notamment p. 276 no 62 et p. 293 no 127. - Derains, Analyse de sentences arbitrales; Les commissions illicites : Dossiers CCI, Publication 480/2, 492 61/69).

[...]

1079

[...]

Sur la base de la doctrine et de la jurisprudence arbitrale, on peut retenir l'utilisation des indices suivants:

1) L'incapacité de l'agent de produire des preuves de son activité est un indice propre à révéler une activité. En effet, un conseil ou un consultant établit des notes et des rapports; il s'agit d'une activité documentée. Le refus de l'agent de donner des explications sur son activité constitue à fortiori un indice.

2) La durée de l'intervention de l'agent peut aussi guider les arbitres dans leurs considérations. En effet, une intervention de très courte durée

1080

qui apporte néanmoins le résultat escompté est un indice de corruption. ( "Après avoir rappelé l'étonnante rapidité avec laquelle le demandeur a pu obtenir des marchés pour la société grecque ( ... )" précise le tribunal arbitral dans la sentence CCI no 3916, préc. p. 932).

3) Peut constituer un indice, dans un contract de conseil ou de consultant, la rémunération par le versement de commissions sur le montant des contrats conclu par l'entreprise dans un pays donné : " [i]l en ira ainsi, par  exemple, d'un contract de conseil ou de consultance aux termes duquel les prestations du conseil ou du consultant seraient rémunérées sous fomre d'un pourcentage, un tel mode de rémunération n'étant pas habituel" (Kosheri/Leboulanger, préc., p. 7).

4) C'est surtout un taux de commission élevé qui devrait attirer l'attention des arbitres, car il aboutira à une rémunération beaucoup trop importanta par rapport aux prestations attendues ou effectuées : " ( ... ) le taux de la commission (8% en l'espèce) constitue une présomption de ce que l'intermédiaire devait reverser certaines sommes. En effet il est rare dans la pratique qu'un simple agent reçoive des commissions supérieures à 1% ou 2%" (note Y. D. sous la sentence rendue dans l'affaire no 4145, préc., 990). Il faut non seulement tenir compte des usages, mais comparer les montants versés à l'agent avec les prestations effectuées par celui-ci (sur ces indices, voir, outre Kosheri/Leboulanger, également Derains, La lutte contre la corruption - Le point de vue de l'arbitre international : Contribution au Congrès AIJA, Montreux 1996).

[...]

Referring Principles
A project of CENTRAL, University of Cologne.