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ICC Award No. 5030, Clunet 1993, at 1004 et seq.

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ICC Award No. 5030, Clunet 1993, at 1004 et seq.
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1004

Sentence rendue dans l'affaire nº 5030 en 1992.

Un Tribunal arbitral statuant à Paris était saisi de difficultés d'exécution d'un contrat d'exploration conclu entre un Etat africain (X) et une entreprise allemande (Y). Estimant avoir effectué 90 % des travaux dont elle était chargée, l'entreprise Y en réclamait le paiement, plus l'allocation de dommages-intérêts. L'Etat X contestait que Y eût exécuté ses obligations dans cette proportion et surtout soutenait qu'elle n'était pas tenue à paiement tant que l'entreprise Y n'aurait pas apporté un financement, ainsi qu'elle s'y était engagée. De plus, l' Etat prétendait que le contrat n'avait pas été véritablement négocié et que sa conclusion était entachée de dol.

[...]

1010

[...]

1. Détermination des principes retenus

X s'est principalement fondée sur la notion française de dol, telle que prévue par l'article 1116 du Code civil français Le dol, vice du consentement, est une cause de nullité des engagements. Mais le dol est également sanctionné le cas échéant de dommages-intérêts et il est admis en droit positif que la victime du dol dispose d'une option lui permettant de ne demander que des dommages-intérêts dont l'effet est ainsi de réduire ses engagements (Civ. 1 re, 4 octobre 1988, Bull. civ. I, nº 265, p. 183, D. 89.IR.229, obs. Aubert ; Civ. 3e, 11 oct. 1978, Gaz. Pal. 1979.1, Panorama 17 ; Civ. coin. 14 mars 1972, Bull. civ. IV, nº 90, p. 56).

Le droit français ne se limite cependant plus à l'époque moderne à la théorie des vices du consentement incorporée dans le Code Napoléon ; il sanctionne, particulièrement dans les rapports entre professionnels et profanes, un diminutif du vice de dol au titre de l'obligation d'information et de conseil, également invoquée par X...

Le fondement de l'obligation est l'inégalité des parties. La présomption d'égalité est écartée, même dans des rapports d'affaires, dans les opérations portant sur un objet de haute technicité. Le droit français, comme ceux des pays industrialisés en général, distingue aujourd'hui le profane du technicien, l'initié du non-initié, en vue de protéger le non sachant contre les abus dont il peut être victime. La jurisprudence impose au partenaire éclairé une obligation précontractuelle de renseignement, voire de conseil ou de mise en garde quant à l'opportunité même du contrat (Ghestin, Le contrat : formation, 2e édition, nos. 461 et s.). Elle oblige en particulier aujourd'hui le technicien à éclairer le client sur tous les aspects de l'opération envisagée susceptibles d'influencer sa décision de contracter ou de ne pas contracter aux conditions où il l'a fait... Un auteur résume ainsi le droit positif en matière de vente : le vendeur "doit, lorsque les circonstances le rendent possible ou nécessaire, fournir à son cocontractant une aide permettant de l'orienter dans son choix, ou le mettre en garde contre les inconvénients essentiels de sa décision" (V. J. Huet, Responsabilité du vendeur et garantie contre les vices cachés, Litec, nº 63).

Translation Eu égard au caractère transnational des rapports entre les parties et à la nature de contrat d'Etat du contrat litigieux, exposés plus haut, le tribunal ne se considérera pas tenu par les seules dispositions du droit français ; il s'inspirera aussi bien d'autres droits nationaux, notamment dans la mesure où leur convergence révèle l'existence de principes généraux, ainsi naturellement que des usages du commerce international.

En ce qui concerne les droits nationaux, une mention particulière doit être faite au droit allemand, lequel constitue le droit national de la demanderesse et dont celle-ci admet expressément le lien avec le contrat... Celui-ci, d'une part, comme le droit français, admet que la victime de manœuvres dolosives peut ne demander que des dommages-intérêts si elle établit que sans celles-ci elle aurait conclu le contrat à des conditions plus favorables (V. Les vices du consentement dans le contrat, sous la direction de R. Rodière, Institut de droit comparé de Paris, 1977, p. 30-31). D'autre part, le droit allemand sanctionne expressément l'abus de la légèreté ou de l'inexpérience d'autrui...

D'autres droits nationaux vont jusqu'à admettre expressément la sanction de la lésion, c'est-à-dire d'un déséquilibre important entre la valeur de ce qui est fourni et le prix qui en est demandé, au moins lorsqu'il apparaît que la lésion n'a pas été fortuite mais est imputable au comportement de l'autre partie. Le tribunal citera sur ce point le droit suisse, dont Y admet également le lien avec le contrat... et qui est au demeurant l'un de ceux auxquels il est le plus souvent 1011 fait référence dans les relations commerciales internationales : ce droit sanctionne expressément la lésion provoquée chez une partie par l'"exploitation, de sa gêne, de sa légèreté ou de son inexpérience" (Code suisse des obligations, art. 21).

Translation Appartenant au fond commun des droits nationaux, l'obligation de se comporter loyalement dans les relations contractuelles constitue naturellement un principe essentiel des rapports économiques internationaux. Elle a en particulier été sanctionnée par la jurisprudence arbitrale dans des relations comparables à celles qui font l'objet du présent litige(Klöckner Industrie-Anlagen GmbH c. Cameroun, 21 oct. 1983, Journ. dr. int., 1984, p. 409)...

[...]

Le tribunal relève que d'entrée X a placé ses relations avec Y sous l'enseigne de la coopération, ce qui constituait l'affirmation du besoin de conseil et de la confiance placée dans le partenaire...

Cette finalité faisait de l'accord litigieux un véritable accord de développement, c'est-à-dire un de ces "contrats dans lesquels l'un des contractants au moins est un pays en développement ou une entreprise qui en relève à un titre ou à un autre et dont l'objet s'inscrit dans une perspective de développement" (G. Feuer et H. Cassan, Droit international du développement, Dalloz 1985, p. 150)...

Le tribunal est d'avis que la pratique consistant de la part du partenaire développé à laisser son cocontractant s'engager dans des liens contractuels sans le moindre avis technique sérieux, et même en le pressant expressément de conclure, constitue un abus de sa faiblesse, sa légèreté ou son inexpérience, contraire aux usages normaux du commerce international. Plus généralement, il conclut que la qualité respective des parties, l'importance économique de l'opération nouée et sa nature de contrat de coopération passé avec un Etat en développement imposaient à l'entreprise des devoirs de prudence, d'information et de renseignement qui n'ont pas été respectés en l'espèce et qui sont la cause directe des 1012 difficultés depuis rencontrées. L'Etat X est donc fondé à solliciter des dommages-intérêts pour le préjudice que lui cause ce comportement.

[...]

Original In view of the transnational character of the relationship between the parties and the nature of the disputed contract which constitutes a state contract as explained above, the tribunal does not consider itself bound to apply only the provisions of French law; it also draws inspiration from other domestic laws, to the extend that that their convergence reveals the existence of general principles, and of course from the usages of international trade.

Original Stemming from the "fond commun" of domestic laws, the obligation to behave loyally in contractual relations constitutes of course an essential principle of international economic relations. It has in particular been sanctioned by international arbitral case law in situations which are comparable to the one that forms the object of the present dispute ...

[...]

More generally [the tribunal] concludes that the respective quality of the parties, the economic importance of the operation and the specific nature of the cooperation contract concluded with a developing country imposes on the company a duty of prudent behavior and a duty of information and feedback which has not been respected in the present case thereby constituting the direct cause for the difficulties which have since then occurred.

Referring Principles
A project of CENTRAL, University of Cologne.