Bonnes moeurs. - Corruption. - Moralité des affaires internationales. - Nullité du contrat
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Pour ce faire, l'arbitre a entrepris une comparaison des effets des actions des parties selon trois sources, le droit iranien, le droit français et - en dehors de toute loi nationale - selon la moralité des affaires internationales.
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Il continua :
Dans notre cas, il ne s'agit pas d'appliquer le droit iranien à travers une règle de conflit française. Il s'agit soit d'appliquer le droit matériel de l'Iran, soit celui de la France. Ce dernier ne se limite pas de considérer comme illicite et/ou contrevenant aux bonnes mœurs la corruption des fonctionnaires français ou le trafic d'influence sur ceux-ci, mais la corruption ou le trafic d'influence tout court. L'argument du demandeur ne serait éventuellement à prendre en considération que s'il s'agissait de l'application d'une règle de conflit française qui renverrait au droit matériel iranien lequel a) contiendrait une nullité pour contravention à l'ordre public (de l'Iran) ou aux bonnes mœurs (d'après les conceptions iraniennes) et que cette nullité heurtait l'ordre public international français, ou b) affirmerait la conformité de l'accord entre les parties à l'ordre public et aux bonnes mœurs en Iran, alors que le droit français (interne) serait ce qu'il est.
C'est encore à tort que le demandeur invoque, pour s'opposer de son côté au refus de paiement de la société grecque, la règle « Nemo auditur turpitudinem suam allegans ». En réalité, cette maxime est, tour à tour, utilisée à deux fins. Elle peut, sans doute, paralyser, en accord avec l'art. 1131 C.c., l'application d'une convention immorale. Mais, si cette convention a été exécutée, elle peut aussi paralyser les restitutions que devrait en entraîner la nullité.
Il est, par contre, unanimement admis que « Nemo auditur... » ne peut pas être utilisé afin de pouvoir réclamer le prix d'une transaction illicite ou immorale (citons parmi la littérature abondante la monographie de Le Tourneau sur La Règle « Nemo auditur », Pichón & Durand-Auzias, 1970).
Ayant ainsi apprécié l'affaire selon les lois matérielles iranienne et française, l'arbitre entreprit une étude en dehors de toute loi nationale - « d'après ce qui est considéré être la moralité dans les affaires internationales ». Il le fit dans les termes suivants :
Un précédent est constitué, à cet égard, par la sentence de la CCI rendue par l'arbitre Gunnar Lagergren et relatée par J.D.M. Lew dans Le contrat économique international, Stabilité et évolution, Travaux des VIIes journées d'études juridiques J. Dabin, les 22 et 23 novembre 1973, Bruxelles, Bruylant, et Paris, Pedone, 1975. Après avoir constaté que l'accord sur la base duquel un ex-fonctionnaire exigeait une commission pour son appui afin d'obtenir un contrat avec un Gouvernement était
contraire à deux législations ; l'arbitre s'est référé à un principe de droit généralement reconnu par les nations civilisées selon lequel des ententes violant sérieusement les bonnes mœurs où l'ordre public international sont nulles ou tout au moins ne peuvent pas donner lieu à exécution.
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