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Romero, Eduardo Silva, Note to ICC Award No. 11426, Clunet 2006, at 1450 et seq.

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Romero, Eduardo Silva, Note to ICC Award No. 11426, Clunet 2006, at 1450 et seq.
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NOTE. - I. - Le caractère confidentiel de certaines pièces produites et leurrecevabilité dans un arbitrage commercial international reste l'un des sujets ambigus pour lequel le rôle dela méthode des conflits de lois et donc la diversité des droits applicables en la matière conservent encoretout leur intérêt. La sentence pose le problème juridique mais - hélas - ne le résout point.

Le Tribunal arbitral opère d'abord implicitement une distinction entre " documentstransactionnels/confidentiels " et " documents à esprit transactionnel/non confidentiels " qui n'est pas toutà fait convaincante. Le Tribunal arbitral adopte en effet une optique foncièrement formaliste et considèreque rentrent seulement dans la première catégorie les pièces comportant la mention " confidentielle " ou lespièces qui émanent ou ont été adressées à un professionnel soumis à des obligations déontologiques deconfidentialité. En l'espèce, le Tribunal arbitral conclut qu' " aucune de ces pièces ne comporte la mention" confidentielle " et aucune de ces pièces n'émane ou n'a été adressée à un professionnel soumis à desobligations déontologiques de confidentialité ".

Force est de constater qu'en la matière - du moins, selon le Tribunal arbitral, en droits français et anglais- la forme l'emporterait sur le fond. En résulte l'évidence que, si l'on désire préserver la caractèreconfidentiel d'un document, encore faudrait-il le marquer clairement comme étant " confidentiel ".

La décision du Tribunal arbitral concernant les pièces mentionnées n'a en fin de comptes pas eu de grandesconséquences quant à sa décision sur le fond étant donné qu'il a fait droit aux prétentions de la partiedemanderesse. Ladite décision a toutefois eu des conséquences quant aux frais de l'arbitrage (cf. IVci-après).

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II. - Le Tribunal arbitral affirme que, s'il limitait son analyse juridique à l'interprétation de la policed'assurance, il arriverait - sur le fondement du principe dit d'efficacité des contrats - à la conclusion que lapartie demanderesse doit l'emporter.

Le Tribunal arbitral affirme que " le principe d'efficacité des contrats commande de retenir l'événementprévu au contrat plutôt que de privilégier un autre événement non prévu au contrat qui, sur le plan factuel,est - au mieux - équivalent ".

Le principe d'efficacité des contrats viserait à faire prévaloir l'application des clauses d'un contrat mêmeen dépit des règles supplétives du droit des obligations s'y opposant (cf. V. Avena-Robardet,Le cédé ne peut se prévaloir d'une clause d'agrément du contrat de base pour s'opposer à la cessionDailly: Recueil Dalloz, 2001, no 1, p. 123. - D. Mazeaud, Le groupe de contrats : LP A 2000, p. 64 ets. - D. Mazeaud, La révision du contrat : LPA 2005, p. 4 et s.).

Nous ne pouvons pas nous empêcher de voir dans le raisonnement du Tribunal arbitral une idée de "protection de la partie faible de la relation contractuelle ", à savoir - dans la relation assureur - assuré,l'assuré. Or, cette idée de " protection " découle-t-elle du principe d'efficacité des contrats? Le principed'efficacité des contrats ne pourrait-il pas indiquer plutôt que la suspension du programme de lancementdevrait être retenue comme cause du retard de lancement? Nous demeurons convaincu que, quelque soitson contenu, le principe d'efficacité des contrats ne saurait privilégier la position de l'une des parties audétriment de la position de la partie adverse.

Le Tribunal arbitral, lors de son interprétation de la police d'assurance, semblerait vouloir appliquer une" justice distributive " (cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, traduction J.-F. Voilquin:GF-Flammarion, 1992, p. 139 et s. -Ch. Perelman, Logique juridique. Nouvelle rhétorique : Dalloz,1999, p. 100, §49) visant avant tout à garantir que la victime d'un préjudice soit toujoursindemnisée.

La sentence révèle néanmoins que le Tribunal arbitral et les parties n'étaient pas tout à fait à l'aise avec lapossibilité d'une décision rendue sur l'unique base de l'interprétation de la police d'assurance et qu'ils onttous choisi d'analyser les faits de l'espèce sur la base de la causalité en droit français.

III. - Quant à la causalité en droit français, le Tribunal abandonne son optique de " justice distributive" décrite ci-avant et adopte une optique correspondant à la " justice corrective " (cf.Aristote, op. cit., p. 141).

La " justice corrective " suppose que les parties en litige soient considérées de manière égalitaire et que lerôle du juge ou de l'arbitre se limite à rétablir l'équilibre perdu de la relation entre les parties.

En l'espèce, cette approche conduit le Tribunal arbitral à rejeter la définition de " causalité " soutenue parla partie demanderesse et par son expert juridique et à adopter celle proposée par les parties défenderesseset par leur expert juridique.

La partie demanderesse s'est placée sur le plan de la " justice distributive " et a soutenu que :

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" (...) en cas de pluralité de faits à l'origine d'un même dommage, la victime est libre de se fonder sur l'unou l'autre d'entre eux pour obtenir l'indemnisation. Selon l'opinion exprimée par le Professeur [P] dans sonopinion juridique versé aux débats par [la partie demanderesse] (pièce [de la partie demanderesse] no ...):

" (...) un principe fondamental du droit civil français qui ne comporte que de rares exceptions impose dechoisir la " cause " qui permet l'indemnisation. " (P....)".

Les parties défenderesses, pour leur part, se sont placées sur le plan " de la justicecorrective " et de la présomption de l'égalité des parties participant au commerce international (cf. Sentence rendue dans l'affaire CCIno 1990 en 1972 : JDI1974, p. 897 - Sentencerendue dans l'affaire CCI no 5346 en 1988 : JDI 1991, p- 1081) et ont allégué que lacausalité telle que définie par le droit des assurances - et non pas par le droit civil de la responsabilité -devait être retenue.Le Tribunal arbitral accepte - avec raison - la position des parties défenderesses quant à la causalité endroit français applicable au cas d'espèce. Il affirme à cet égard que " le Tribunal arbitral partage, sur cepoint, l'opinion des assureurs. En effet, le principe privilégiant la cause ou les causes permettant l'indemnisation du dommage se justifie et se comprend parfaitement en matièrede responsabilité civile où le droit privilégie à juste titre les intérêts de la victime aux intérêts d'un(co-)auteur de dommage. Il n'y a pas lieu, selon l'avis du Tribunal arbitral, de transposer ce principe etcette finalité juridique aux intérêts des parties à un contrat d'assurance. Il n'y a pas de principe général, nidans le droit général des contrats ni en matière de contrats d'assurance, qui permettrait de privilégier lesintérêts d'une partie contractante par rapport à ceux du co-contractant. Il faut donc rechercher la causalitételle que définie par le droit français en matière d'assurance ".

Il n'appartiendrait donc pas aux arbitres internationaux de protéger certains marchandsinternationaux au détriment d'autres commerçants internationaux mais de rétablir l'équilibre perdu desrelations juridiques entre commerçants internationaux qui son présumés être des égaux. La lex mercatoria comprend bien en ce sens un principe selon lequel les marchandsinternationaux sont tous présumés être compétents et professionnels (cf. Sentence renduedans l'affaire CCI no 1512 de 1971 : JDI 1974, p. 905. - Sentence rendue dans l'affaire CCI no 2438 de1975 : JDI 1976, p. 969 et s. - Sentence rendue dans l'affaire CCI no3380 de 1980 : JDI 1981, p. 928et s. - Sentence rendue dans l'affaire CCI no 5346de 1988 :JDI 1991, p. 1080 et s.).

Selon le Tribunal arbitral, la notion de " cause prépondérante " satisferait aux besoins de la " justicecorrective ".

Nous ne pouvons qu'approuver l'application de la " justice corrective " au cas d'espèce. La sentence montrebien que les parties au litige étaient toutes les deux des marchands internationaux bien avisés. Laprésomption de leur égalité nous semble donc correcte. Nous osons néanmoins espérer que les arbitresinternationaux appliqueront la " justice corrective " avec prudence dans les affaires où il 1453 s'avère que l'une des parties est de toute évidence dans uneposition plus forte que sa partie adverse.

En définitive, il est souhaitable que les tribunaux arbitraux internationaux fassent application dupragmatisme (cf. L. Menand, Pragmatism : Vintage Books, 1997) raisonnédont le Tribunal arbitral de l'espèce a fait preuve au lieu d'analyser l'affaire sur la base d'idéologies quimettent en relief la justice sociale en dépit de la justice du cas concret dont .l'arbitre international est enmême temps le serviteur et le maître.

IV. - Nous avons déjà signalé que la décision du Tribunal arbitral quant au caractère confidentiel (ou non)de certaines pièces versées au dossier a été importante à l'égard de sa décision quant à la répartition desfrais de l'arbitrage entre les parties. La décision du Tribunal arbitral quant aux coûts de l'arbitrage méritedeux commentaires supplémentaires.

D'une part, le Tribunal arbitral, tel que l'avait fait un tribunal arbitral dans une sentence intérimaire quenous avons commentée (cf. E. Silva Romero, Cour internationale d'arbitrage de laChambre de commerce internationale, Chronique de sentences arbitrales : JDI 2005, p. 1268 et s.), semble affirmer que la règle de répartition des frais de procédure entre les parties est quela partie qui succombe devrait supporter les frais de l'arbitrage. La " jurisprudence arbitrale de la CCI "nous montre que l'existence d'une telle règle est - pour le moins - douteuse. Ladite " jurisprudence " nousrévèle plutôt que les arbitres CCI jouissent d'une totale discrétion dans la prise de leur décision à l'égardde la répartition des frais de la procédure entre les parties (cf. Sentence finale rendue dansl'affaire no 5285 en 1989 : Bull. CCI 1993, Cour internationale d'arbitrage : ICC Publishing, vol. 4, no1, p. 37. - Sentence finale rendue dans L'affaire* no 5726, op. cit., p. 39. -Sentence finale rendue dansl'affaire no 5896, en 1992, op. cit., p. 40. - Sentence finale dans l'affaire no 5987en 1990, op. cit., p. 43.- Sentence finale rendue dans l'affaire n o 6293, op. cit., p. 46. - Sentence finale rendue dans l'affaire no 7006 en 1992, op. cit., p. 58). Ainsi, la règle en matière de répartition de frais de laprocédure arbitrale CCI, s'il en existe une, serait-elle plutôt que les arbitres distribuent librement ces fraisentre les parties.

De l'autre, il est toujours intéressant, car ils sont d'habitude peu connus, de souligner les critères suivis parle Tribunal arbitral pour prendre sa décision quant à la répartition des frais de procédure entre les parties.En l'espèce, le Tribunal arbitral a tenu compte (i) du degré de réussite de chaque partie, (ii) de la difficultéde la question centrale de l'affaire, à savoir le problème de la causalité, (iii) du fait que les positions desdeux parties quant à la causalité étaient défendables, (iv) de la bonne foi des parties à cet égard et desbrillantes prestations des conseils des parties sur le thème de la causalité et (v) de la défaite de la partiedemanderesse au sujet de l'incident sur le caractère " confidentiel " de certaines pièces versées au dossier.

La sentence, par le biais de sa brillante analyse de la causalité en droit français, nous rappelle que l'arbitreinternational doit se placer sur le terrain de la " justice corrective " de la société marchande internationaleafin d'accomplir la mission 1454 que les parties -commerçants internationaux compétents, professionnels et avisés - lui ont confié.

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A project of CENTRAL, University of Cologne.