Essai d'une théorie unitaire de la prescription

Frédéric Zenati, Professeur à l'Université Lyon III
Stéphanie Fournier, Maître de conférences à l'Université Grenoble II

[...]

Le rôle essentiel que joue la possession en matière de prescription civile ne concerne pas exclusivement la propriété et les droits réels sur la chose d'autrui. Les droits personnels, qui sont autant des biens que les droits réels, sont eux aussi susceptibles de possession. Comme le propriétaire dont le bien ne supporte plus en fait la charge du droit réel, le débiteur négligé par son créancier se trouve dans une situation apparente de libération. Les tiers sont en droit de penser que, faute pour le créancier d'exercer son droit, il l'a abandonné. Certes, la renonciation à un droit ne se présume pas, mais le fait pour le titulaire de ne pas s'en servir durablement peut suggérer de manière non équivoque que, par une transmission quelconque, le débiteur s'est trouvé attributaire de la créance. A l'image du legs de libération, par lequel le créancier donne au débiteur la créance et provoque, ce faisant, son extinction par confusion, le fait pour un débiteur de ne pas être poursuivi le met en situation de posséder le droit du créancier et, par suite, de posséder sa libération. La possession de la libération, qui n'est, au départ, qu'une situation de fait, va, au bout d'un certain temps, être consacrée par le droit, ainsi qu'il en va dans la possession de la libération du droit réel.

[...]