This page uses so called "cookies" to improve its service (i.e. "tracking"). Learn more and opt out of tracking
I agree

Laviec, Jean-Pierre, Protection et Promotion des Investissements, Paris 1985

Title
Laviec, Jean-Pierre, Protection et Promotion des Investissements, Paris 1985
Content
193 et seq.

En ce qui concerne le montant et les modalités de paiement de l'indemnisation, le droit international, dans son évolution historique, a traditionnellement été divisé en deux courants d'ampleur inégale. Le premier, minoritaire, a considéré que le montant et les modalités de l'indemnité devaient être déterminés par la seule loi nationale de l'Etat expropriant. Du projet de la Conférence internationale sur le traitement des étrangers (1929) à la Charte de 1974, l'application du traitement national à ce domaine particulier ne manque pas de précédents, et elle dépasse largement le cadre des Etats d'Amérique latine partisans de la doctrine Calvo174. Cependant, le traitement national n'est pas stipulé dans les Conventions, comme on l'a mentionné ; et les objections à sa reconnaissance sont ici du même ordre que dans les autres domaines de la condition des étrangers175. Nous n'y reviendrons pas.

Selon l'opinion nettement majoritaire dans la jurisprudence internationale, la pratique diplomatique et la doctrine, le droit international contient des critères autonomes d'indemnisation. Mais ceux-ci ne sont pas fixés avec une grande précision, comme en témoigne la variété des termes utilisés pour les définir. Dans la jurisprudence internationale, la condition mentionnée en premier lieu a été que l'indemnité doit être « équitable » (Affaire de l'Usine de Chorzow176, Affaire Goldenberg177 ; Affaire Liamco178) ; ou encore, qu'elle doit être « juste » (Affaire des biens britanniques au Maroc espagnol179, Norwe-

gian Shipowners' Claims180). Dans la pratique américaine et britannique, le terme de juste indemnité (just compensation) se retrouve, mais il est généralement précisé sous la forme d'une indemnité « prompte, adéquate et effective » (prompt, adequate and effective)181. Dans la pratique française, il est mentionné que l'indemnité doit être « juste », comme le définit l'article 545 du Code civil, « équitable » ou « juste et équitable »182.

Les Conventions d'investissement reprennent, dans des proportions variables, ces divers termes183. Un nombre substantiel d'entre elles, cependant, omettent ces qualifications générales. Il est stipulé que toute expropriation sera effectuée sous condition d'indemnisation ; les caractéristiques de l'indemnité sont précisées, selon des formules diverses, dans des mentions annexes184. Il est à noter que le terme d'indemnité appropriée (appropriate compensation), mentionné dans la Résolution 1803 (XVII) et dans la Charte de 1974, n'a été trouvé dans aucune Convention examinée185. Enfin, il n'est pas certain que dans le choix des termes utilisés, des auteurs de Conventions aient été mus par la conscience qu'ils impliquaient éventuellement de substantielles différences entre eux. Ainsi, la Convention Pays-Bas-Malaisie cumule divers qualificatifs : « Dans tout cas d'expropriation une indemnisation prompte, adéquate et effective aura lieu qui devra représenter la valeur juste et équitable de l'investissement »186.

[...]

Pourtant, force est de reconnaître que, fréquemment, il n'a pas été tenu compte de cette distinction, reconnue in abstracto comme fondamentale. Un bref examen des différentes significations données au terme de « juste indemnité » permet d'élucider ce point. Dans un premier sens, une juste indemnité a été définie comme une restitutio in integrum189 ; dans un deuxième sens, comme une indemnité adéquate, prompte et effective190 ; dans un troisième sens, comme une indemnité équitable191.

[...]

249 et seq.

Pacta sunt servanda. II a été soutenu que, quel que soit le droit applicable à un contrat entre un Etat et un étranger, un « droit international » avait été créé sur la base du contrat, que l'Etat de l'étranger pouvait directement protéger. Cette théorie, parfois exprimée par la maxime pacta sunt servanda, a été défendue notamment par Shawcross ; elle a inspiré divers projets de conventions, et elle n'est pas étrangère à certaines formulations que l'on trouve dans des Conventions d'investissement32.

Du point de vue du droit international général, la théorie mentionnée s'appuie essentiellement sur deux autorités : une plaidoirie du Gouvernement suisse dans l'Affaire Losinger & Cie, S.A.33, et la pratique diplomatique française, notamment en matière d'emprunts internationaux34. La position imputée à la Suisse ne peut être maintenue, au vu de sa pratique récente35.

[...]

La maxime pacta sunt servanda représente sans conteste un principe fondamental de droit international, qui est repris dans l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

[...]

174Sur la Charte de 1974, cf. supra, pp. 174-5; sur la Conférence de 1929, cf. not. S. BASDEVANT in LAPRADELLE et NIBOYET (ed.), op. cit. (1930), pp. 9-11, 49; en 1961, le Comité juridique consultatif afro-asien avait aussi adopté le traitement national, cf. le Projet, art. 12 in GARCIA AMADOR (et al.) « Recent codification... », op. cit. (1974), pp. 374-5 ; il figure aussi dans divers traités de commerce, supra, n. 4.
175Supra, pp. 89-90. « D'autre part toute expropriation de biens appartenant à des étrangers doit comporter une juste indemnité. Le fait que les nationaux n'ont pas été indemnisés ou, du moins, pas d'une manière suffisante, importe peu à cet égard » , KISS, Répertoire, « Note », v. IV, p. 385, et les ref. pp. 390-2; à l'encontre du traitement national pour la mesure de l'indemnité, cf. not. BROWNLIE Principles, pp. 356-7; FRIEDMAN, op. cit. (1950), pp. 332-3 ; WORTLEY, op. cit. (1959), pp. 120-1; en faveur, cf. ORREGO VICUNA in LILLICH (ed.), op. cit., v. III (1975), p. 138; FISCHER-WILLIAMS, loc. cit. (1928), p. 1 et s.
176CPJI, Série A, No 17 (1928), p. 46.
177RSANU, v. 11, p. 909.
178ILR, v. 62 (1982), pp. 207, 209-10.
179RSANU, v. II, p. 647.
180RSANU, v. I, p. 338.
181Sur la pratique des Etats-Unis, cf. supra, n. 74; adde Restatement (2d), par. 187, p. 563 ; sur la pratique britannique, cf. SCHWARZENBERGER, op. cit. (1969), pp. 21-105 ; E. LAUTERPACHT, British Practice (1963-II), p. 123; id. (1967), pp. 118-9.
182Cf. KISS, Répertoire, v. IV, pp. 385-92 ; et Code civil, art. 545 : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
183Pour l'utilisation du terme « juste indemnité », cf. p.ex. Conv. Belgique-Zaïre, art. 3 ; France-Yougoslavie, art. 5 ; Pays-Bas-Maroc, art. XI (c); pour « just compensation », cf. p.ex. Conv. Belgique-Corée, art. 5(1) (c) ; Pays-Bas-Singapour, art. IX (c) ; Royaume-Uni-Philippines, art. V(1) ; pour une « indemnité adéquate », ou « prompte, adéquate et effective » (« prompt, adequate and effective compensation »), cf. p.ex. Conv. France-Indonésie, art. 6(I) ; Pays-Bas-Ouganda, art. IX (1) (c) ; Royaume-Uni-Sri Lanka, art. 5(1) ; Suisse-Corée, art. 4 ; pour une indemnité « équitable », ou « juste et équitable » (« fair and equitable »), cf. p.ex. Conv. Allemagne-Inde, par. 1(d) ; France-Maroc, art. 5 ; Suisse-Zaïre, art. 4. Certaines formules sont peu courantes ; ainsi la Conv. Pays-Bas-Soudan stipule, art. XI : « Such compensation shall represent the equivalent to the depreciated value of the investment affected... ».
184C'est le cas de nombreuses Conventions conclues par l'Allemagne, cf. p.ex. Conv. Allemagne-Pakistan, art. 3(2) ; Allemagne-Zaïre, art. 3(2) : « (...) contre indemnisation. L'indemnité devra correspondre à la valeur de l'investissement exproprié, être effectivement réalisable et versée sans délai ». Dans le même sens, cf. p.ex. Conv. France-Singapour, art. 4 ; Italie-Côte-d'Ivoire, art. 4 ; Royaume-Uni-Roumanie, art. 4(1).
185Supra, p. 174.
186Conv. Pays-Bas-Malaisie, art. X : « In any case of expropriation there shall be prompt, adequate and effective compensation which shall represent the fair and equitable value of the investment ».
189« Just compensation implies a complete restitution of the status quo ante, based, not upon future gains of the United States or other powers, but upon the loss of profits of Norwegian owners as compared with other owners of similar property », « Norwegian Shipowners' Claims », RSANU, v. I, p. 338.
190Supra, n. 74 et 181.
191Dans son Arrêt Nº 13, Série A, Nº 17 (1928), la CPJI, après avoir qualifié d'« équitable » l'indemnité pour expropriation licite, parlait du « juste prix des choses expropriées », correspondant à « la valeur qu'avait l'entreprise au moment de la dépossession », pp. 46-7.
32« D'ordinaire, tout contrat entre un Etat et un étranger donne naissance à un droit international que l'État de l'étranger peut protéger, et cela, même s'il est prévu que le contrat sera soumis au droit local, en tant que droit le régissant, car la doctrine des droits acquis entre en jeu ici », SHAWCROSS, op. cit. (1961), p. 381 ; cf. aussi NWOGUGU, op. cit. (1965), p. 174 ; GARCIA AMADOR, « Quatrième rapport sur la responsabilité internationale », CDI, Annuaire (1959-II), p. 38 et s. Les commentaires sous l'Art. 2 du Projet de Convention de l'OCDE reprenaient cette théorie, cf. ILM, v. 2 (1963), p. 247.
33CPJI, Série C (1936), pp. 31-4. Le Gouvernement suisse avait invoqué, « inter alia », le principe « pacta sunt servanda » pour dénier à une loi postérieure le pouvoir d'invalider la clause compromissoire d'un contrat conclu entre une société suisse et le Gouvernement yougoslave, et soumis au droit yougoslave.
34Cf. KISS, Répertoire, v. IV, p. 249; MANN, op. cit. (1973), p. 310 et s.
35Cf. not. l'Avis de droit publié in CAFLISCH, Pratique suisse ASDI, v. 31 (1975), pp. 239-41.

Referring Principles
A project of CENTRAL, University of Cologne.