Silence de la CVIM. De façon très regrettable, l'article 78 de la convention de Vienne reste muet à propos du taux de l'intérêt527. Aussi bien, pourrait-on être tenté de considérer, qu'en l'absence de tout principe général en la matière dont s'inspirerait la convention, cette lacune devrait être comblée par application de la loi nationale que désigne la règle de droit international privé528. Selon les conceptions du tribunal saisi, le taux de l'intérêt serait donc celui que fixe, soit la lex fori, soit la lex contractus.
Ni l'une ni l'autre de ces deux solutions ne serait pourtant très satisfaisante529. La raison d'être de l'obligation, que la convention de Vienne impose au débiteur, de payer des intérêts, est, en effet, que la somme principale dont il a gardé la disposition lui a procuré un avantage indu530. Or, il n'apparaît pas que le taux d'intérêt éventuellement fixé par la loi du contrat ou le droit du for soit nécessairement un reflet très fidèle de ce profit. Outre qu'il peut correspondre à une autre représentation de la fonction de l'intérêt531, il risque beaucoup plus sûrement de traduire les préoccupations de politique économique et sociale des États dont ces lois émanent. A quoi s'ajoute que le taux de l'inflation dans ces pays, dont sera nécessairement fonction, serait-ce seulement pour partie, celui de l'intérêt légal, peut être sans commune mesure avec l'évolution du prix dans l'État du débiteur.
Aussi bien, si l'on veut rester fidèle au but poursuivi par la CVIM, conviendrait-il sans doute de fixer l'intérêt à un niveau correspondant à l'importance des fruits que ce débiteur pouvait aisément recueillir d'un placement à court terme des sommes représentatives de sa dette, et donc de lui appliquer le taux usuellement pratiqué pour une telle opération dans le pays où il est établi532.
527L'article 83 de la LUVI du 1er juillet 1964 fixait le montant des intérêts à « un taux égal au taux officiel d'escompte... augmenté de 1 % » du pays où le vendeur est établi. Mais cette solution, qui n'était d'ailleurs applicable qu'en cas de retard de paiement du prix par l'acheteur, n'a pas été reprise par les auteurs de la CVIM, en raison, non seulement des difficultés d'ordre technique qu'elle suscitait, et pouvant résulter, soit de l'absence de taux officiel d'escompte, soit de la prohibition des intérêts dans le pays du vendeur, mais encore de l'objectif qu'elle poursuivait : quoique qualifiés de moratoires, ces intérêts présentaient, en effet, un caractère également compensatoire (l'article 83 de la LUVI prenait place dans une section relative aux dommages-intérêts), ce qui n'est pas le cas de ceux dont l'article 78 de la convention de Vienne arrête le principe.
528Sur cette nécessité de revenir à la lex causae en cas de lacune de la CVIM, Voy. l'article 7 de celle-ci, et supra, nº 95.
529Elles seraient même impraticables si la loi ainsi désignée prohibait les intérêts.
530Voy., très clair en ce sens, l'article 84.
531Ainsi en irait-il si cet intérêt légal présentait un caractère à la fois moratoire et compensatoire, voire également coercitif, ainsi qu'il en va notamment en droit français.
532Cette solution suppose, bien entendu, que les parties n'aient pas elles-mêmes fixé d'un commun accord les conditions d'application de l'article 78, ce qu'il leur serait pourtant toujours prudent de faire.