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Loquin, Eric - Où en est la lex mercatoria, in: Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle – Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Dijon 2000, at 23 et seq.

Title
Loquin, Eric - Où en est la lex mercatoria, in: Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle – Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Dijon 2000, at 23 et seq.
Content

Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle

Translation A propos de 30 ans de recherche du CREDIMI

Mélanges en l'honneur de Philippe Kahn

A l'initiative de Charles Leben, Eric Loquin, Mahmoud Salem

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OÙ EN EST LA LEX MERCATORIA ?

par Eric LOQUIN

Professeur à l'Université de Bourgogne

Directeur du CREDIMI

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B- L'ENRICHISSEMENT PAR LE DROIT COMPARE

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D'autres facteurs accentuent encore l'autonomie de ces principes. Le premier objectif de la méthode est la recherche de la sécurité juridique. La règle transnationale est par nature prévisible. Elle doit répondre à l'attente prévisible des deux parties. La réalisation de cet objectif passe par des voies diversifiées. Parfois l'application des règles transnationales est fondée sur une localisation de l'opération juridique. La règle transnationale sera celle commune à l'ensemble des systèmes juridiques intéressés par la relation litigieuse. La méthode sera celle "du tronc commun des lois intéressées par le litige"68. Les parties peuvent en effet restreindre la méthode comparative à l'application des règles communes aux ordres juridiques intéressés par le litige. Ainsi les arbitres, dans le litige Eurotunnel devaient appliquer "les principes communs au droit anglais et au droit français"69. La méthode comparative ainsi utilisée ne se limite pas simplement au constat passif de la convergence de règles qui, en soi, serait d'un intérêt limité, dès lors qu'en choisissant d'appliquer l'une des lois en présence, l'arbitre arriverait au même résultat. Elle oblige aussi l'arbitre à éliminer les dispositions des lois en présence qui seraient contradictoires et à leur substituer une règle autre sélectionnée sur d'autres critères. Plus largement et plus sûrement la méthode comparative conduira le tribunal arbitral à sélectionner les règles généralement admises par la majorité des systèmes juridiques et à écarter celles sur lesquelles il n'existe pas de consensus. Comme l'écrit fort justement E. Gaillard, "l'unanimité des systèmes n'est pas nécessaire à la formation d'une règle transnationale (...) toute la philosophie des règles transnationales est en effet, (...) d'éviter que des solutions, qui n'ont pas reçu un support suffisant en droit comparé, ne l'emportent sur des conceptions plus généralement admises dans la communauté internationale"70. Telle est bien la méthode suivie par la sentence, qui juge que "l'exceptio non adempleti contractus doit être considérée comme appartenant aux principes généraux du droit formant la lex Mercatoria, car elle est commune à l'ensemble des droits nationaux"71, ou celle qui relève "que la plupart des lois modernes prévoient la cession ou la reprise de

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dettes ", pour en admettre l'efficacité dans les relations économiques internationales72. La même démarche est suivie par la sentence qui constate que "les règles législatives italiennes édictées en matière d'obligations contractuelles et les principes communs aux nations ne sont nullement contradictoires"73. Pour donner un exemple concret, les tribunaux arbitraux affirment que l'allocation de dommages et intérêts moratoires est fondée sur un principe general du droit du commerce international alors que celle-ci est prohibée par un nombre restreint de lois étatiques, mais est admise par la grande majorité des ordres juridiques74. La même problématique est révélée par le contenu des Principes de l'Unidroit. Comme le montre Mme Fauvarque-Cosson "l'objectif n'est pas de rechercher le plus petit dénominateur commun aux contrats, mais de dépasser les législations nationales pour poser une série de principes internationalement cohérents"75. C'est ainsi que certaines notions ont été écartées en raison de leur trop grand particularisme, par exemple la notion de cause telle que la connaît le droit français76.

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L'une des illustrations les plus spectaculaires de cette méthode inhérente à la lex mercatoria est la consécration de l'obligation faite au créancier de minimiser le dommage qu'il subit du fait de son débiteur. Cette règle est considérée comme l'un des principes les mieux établis de la lex mercatoria79. La règle est tirée de la common law et a été ensuite consacrée par le Code de commerce américain80. Elle est admise également par certains droits de tradition romaine81. Elle a été retenue à titre de principe appartenant à la lex mercatoria par un nombre impressionnant de sentences. Elle est également consacrée par la Convention de Vienne du 11 avril 1980 portant loi uniforme sur la vente internationale de marchandises et par les Principes de I'Unidroit82. Comme l'écrit avec pertinence M. Ortscheidt, "ce sont très certainement des considérations économiques qui justifient le mieux l'obligation ; son utilité est double : éviter le gaspillage des ressources et réduire le coût de la réparation"83. Telle nous paraît être également l'explication du surprenant succès de la notion tirée du droit allemand de Nachfrist. Lorsque l'une des parties est en retard dans l'exécution de ses prestations, son cocontractant peut lui accorder un délai d'exécution supplémentaire, tout en suspendant l'exécution de ses propres obligations corrélatives et en demandant des dommages et

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intérêts. Cette règle a été reprise par la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises84 et par les Principes de I'Unidroit85. M. V. Heuzé donne, de notre point de vue, l'explication du succès de la règle en constatant "qu'elle permet au vendeur, à qui un délai supplémentaire précis est donné pour exécuter, d'être en mesure d'apprécier sa propre capacité d'exécution et, par suite, de faire savoir immédiatement à son cocontractant s'il lui sera possible ou non de le satisfaire. L'acheteur pourra acquérir la certitude que le contrat sera ou ne sera pas exécuté et, si nécessaire, prononcer la résolution du contrat si, avant l'expiration du délai, il reçoit de son cocontractant une notification l'informant que celui-ci n'exécutera pas ses engagements"86. C'est le réalisme de la règle qui explique sa réception par la lex mercatoria.

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S

tate sovereignty and the international markets at the end of the 20th century

Original Based on thirty years of research of the CREDIMI

How about lex mercatoria?

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B- The enrichment by the comparative law

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There are yet other factors that underline the autonomy of these principles. The prior objective of this method is the search for legal certainty. The transnational rule is inherently previsible. It has to satisfy the conceivable expectations of both parties. The realisation of this objective proceeds in different ways. The application of the transnational rule is occasionally based on the localisation of the legal transaction. The transnational rule will be the one, which is common to the set of legal systems concerned by the relationship in dispute. The method will be the one "of the common core of the laws concerned by the liquidation". The parties can, however, restrict the comparative method to the application of rules common to the legal orders concerned by the litigation. So the arbitrators in the case of Eurotunnel had to apply "the principles common to the English and the French law." The so used comparative method does not simply limit itself to the passive report of the convergence of rules which, in itself would be of limited interest, once, by choosing to apply one of the available laws the arbitrator would come to the same result. The method also obliges the arbitrator to eliminate the provisions of these available laws, which would be contradictory and to substitute them by another rule selected by other criteria. More widely and more surely, the comparative method leads the arbitral tribunal to select the rules generally admitted by the majority of the legal systems and to remove the ones on which there is no consensus. Like E. Gaillard rightly says:" the unanimity of the systems is not necessary for the formation of the transnational rule ( ... ) the whole philosophy of the transnational rules is in effect ( ... ) to avoid that solutions, which have not found sufficient support in comparative law, prevail over conceptions more generally excepted in the international community". Surely it is the method that is followed by the sentence which judges that the "exceptio non adempleti contractus must be considered as belonging to the general principles of law forming the lex mercatoria for it [the exceptio] is common to the set of the national laws", or the sentence which notes "that the majority of modern laws provides the assignment or the assumption of a debt", in order to admit efficiency in the international relations. The same approach is followed by the sentence which finds, that the Italian legal provisions enacted in the field of contractual obligations and the principles common to the nations are in no way contradictory. In order to give a concrete example, the arbitral tribunals affirm that the allocation of damages and moratory interest is founded on a general principle of the law of international commerce, whereas the allocation is prohibited by a restricted number of state laws, but is admitted by a big majority of legal orders. The same problem is revealed by the content of the Unidroit Principles. As Mme Fauvarque-Cosson shows, "the objective is not to search for the least common denominator of the contracts, but to go beyond the national legislations to set a series of internationally coherent principles." So certain notions have been ruled out due to their too big particularism, for example the notion of "cause" as it is known in French law.

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One of the most spectacular illustrations of this method inherent to lex mercatoria is the determination of the obligation of the creditor, to minimise the damage that he has suffered from the action of his debtor. This rule is considered as one of the most established principles of lex mercatoria. The rule has been taken from the Common Law and later set in the Uniform Commercial Code. The rule is also admitted by certain laws of Roman tradition. It has been accepted as a principle belonging to the lex mercatoria by an impressing munber of sentences. It is also codified by the Vienna Convention of 11th April 1980 on Contracts for the International Sale of Goods and by the Unidroit Principles. As Ortscheidt pertinently writes: "this obligation is surely best justified by economical reasons; her usefulness is doubled to aoid the waist of resources and to reduce the cost of the reparation." This seems equarly to be the explication of the surprising success of the notion "Nachfrist" taken from German law. If one of the parties is in default with the performance of its liability, its co-contractor can set him an extension of time to fulfil, suspending the performance of its own correlative obligations and demanding damages and interest. This rule has been adopted by the Vienna Convention on Contracts for the International Sale of Goods and by the Unidroit Principles. V. Heuzé gives, from our point of view, the explication of the success of the rule statinf "that it permits the seller, whom has been set a precise extension of time to fulfil, to be able to appreciate his own capacity to fulfil and as a result of that to let the co-contractor immediately know if it will be possible for him or not to satisfy him. The buyer will be able to acquire the certitude that the contract will or will not be fulfilled and if necessary pronounce the termination of contract, if he, before the time limit is expired, gets from his co-contractor a notification informing him, that he will not fulfil his obligations. That is the realism of the rule which explains its reception by the lex mercatoria.

68Cf. RUBINO-SANMARTANO, "Le tronc commun des lois en présence", op. cit., note 54, 1987, p. 133.
69Cité par E. GAILLARD, "Trente ans de lex mercatoria", op. cit., note 5,p. 22.
70Ibid., p. 26.
71Sentence CCI n° 3540, JDl, 1981, p. 914.
72Sentence CCl no 3742, JDI, 1984, p. 910.
73Sentence CCI no 1422, JDI, 1974, p. 876.
74J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l'arbitrage commercial international, op. cit., note 65, pp. 304 et s.
75"Les contrats du commerce international ", op. cit., note 58, p. 464 ; également Bonell, qui écrit "que ce qui était décisif n'était pas quelle règle était adoptée par la majorité des juridictions, mais plutôt laquelle des règles en considération avait été la plus probante et/ou paraissait particuliérement bien adaptée aux transactions internationales", "Les Principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international", op. cit., note 58, p. 147.
76B. FAUVARQUE-COSSON, "Les contrats du commerce international", op. cit., note 58, p. 467. A l'inverse, les Principes retiennent la théorie de l'imprévision dont on sait qu'elle est condamnée par le droit français.
79Y. DERAINS, "L'obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale", RD aff. int., 1987 p. 375 ; Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, op. cit., note 54, n° 1491 ; E. LOQUIN, " La réalité des usages du commerce international", op. cit., note 12, p. 177 ; J. ORTSCHEIDT, "La réparation du dommage dans l'arbitrage commercial international ", op. cit., note 65, pp. 137 et s.
80Cf. M. ELLAND-GOLDSMITH, "La mitigation of damages en droit anglais", RD aff. int., 1987, p. 347. Le principe est consacré par les sections 2-708 et 2-713 du Code de commerce uniforme des Etats-Unis.
81Le principe est connu du droit allemand (art. 254-2 du C. civil allemand), du droit italien (art. 277 du C. civil italien), du droit hongrois (art. 340-1 du C. civil hongrois), du droit néerlandais (art. 6-101 du C. civil néerlandais). du droit suisse (art. 44 et 99 du Code suisse des obligations).
82Article 77 de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises et article 7-4-8 des Principes de l'Unidroit - article 4. 504 des Principes européens du droit des contrats.
83La réparation du dommage dans l'arbitrage commercial international, op. cit., note 65, p. 167.
84Articles 47 et 63 de la CVIM.
85Article 7-1-5 des Principes de l'Unidroit.
86La vente internationale de marchandises, 2e édition, Paris, LGDJ, 2000, p. 363.

A project of CENTRAL, University of Cologne.