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Hascher, Dominique, note to ICC Award No.5943, Clunet 1996, at 1017 et seq.

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Hascher, Dominique, note to ICC Award No.5943, Clunet 1996, at 1017 et seq.
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OBSERVATIONS

Les parties avaient conclu un accord pour la création d'une entreprise commune en vue de la construction et de la gestion d'un hôtel. La société demanderesse réclamait aux défendeurs le remboursement du prix d'acquisition d'actions de la société dont les défendeurs étaient actionnaires. L'accord prévoyait d'ailleurs qu'à défaut d'obtention des autorisations administratives ou de non délivrance des actions, le montant versé serait restitué et les relations contractuelles prendraient fin. Les faits étaient simples, l'objet du litige paraissait tel également. La difficulté pour l'arbitre et l'intérêt du lecteur pour la sentence naît de l'exception d'illicéité du contrat soulevée par les défendeurs. Pour ceux-ci, l'objet réel du contrat consistait en fait dans le versement d'un pot de vin en vue de l'obtention d'un marché d'armement au profit de la société mère de la demanderesse à M. A., directeur de la société dont ils étaient actionnaires.

[...]

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[...]

II. - L'objet du contrat, la construction et la gestion d'un hôtel, était licite. En revanche, la cause subjective de l'engagement des parties, était illicite. M. A., bénéficiaire réel du paiement effectué par la demanderesse, pouvait influer sur les décisions des autorités gouvernementales de son pays en raison des fonctions politiques qu'il occupait. L'exercice de cette influence au profit de la société mère de la demanderesse constituait précisément la cause du versement. L'arbitre déclare que le but poursuivi par les parties était connu de la société mère, l'ensemble des mécanismes mis en jeu, par leur ampleur, n'ayant pas été dus à l'initiative d'employés subalternes mais à celle de ses dirigeants, par ailleurs communs pour certains à la demanderesse et sa société mère.

Selon le droit coréen applicable au contrat, les prestations fictives sont dénuées de tout effet. L'arbitre, se fondant sur l'article 108 du Code civil coréen, déclare nulles les stipulations contractuelles relatives au paiement et les dispositions relatives au remboursement des engagements de garantie corollaires souscrits par les défendeurs. L'arbitre ne se prononce pas pour autant sur la nullité entière du contrat, sans doute pour ne pas risquer de statuer ultra petita, les défendeurs s'opposant seulement au remboursement réclamé par leur adversaire. Invoquant au surplus les lois nationales des parties réprimant la corruption et les principes généraux du droit communs aux nations civilisées qui interdisent la restitution d'un paiement illicite à l'auteur du comportement délictueux, l'arbitre rejette la demande en répétition du paiement. Il partage les frais de l'arbitrage entre les parties. Sur un plan pratique, les défendeurs conservent donc l'argent qui leur avait été versé. Sur un plan théorique, on peut regretter que l'arbitre unique n'ait pas également fondé son raisonnement sur la condamnation de la corruption et du trafic d'influence en s'appuyant sur des sources internationales, par exemple, la violation d'un ordre public réellement international dont l'arbitre a le devoir d'assurer la protection, ou bien l'atteinte au principe de réprobation de la corruption dans la lex mercatoria dont il aurait pu contribuer à préciser la définition. (P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage intematio-

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nal » : Rev. arb. 1986, p. 329 ; E. Loquin, « Les manifestations de l'illicite », Colloque CREDIMI, préc. ; Fouchard, Gaillard. Goldman, Traité préc., p. 876 ; Alain Plantey, L'ordre public. Académie des Sciences Morales et Politiques, Fondation Singer-Polignac, PUF, 1996, p. 27).

III. - L'arbitre précise que sa compétence n'est pas affectée par la nullité de la prestation illicite. Il rappelle la théorie de l'autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat qui la contient (art. 8 (4) Règlement CCI). II souligne que les parties ont longuement négocié la clause d'arbitrage manifestant ainsi leur volonté de confier les litiges à la connaissance du juge arbitral. L'illicéité du contrat depuis l'origine, précise également l'arbitre, n'entraîne pas la nullité de la clause compromissoire qui ne participe pas à la réalisation du trafic d'influence voulu par les parties (Oppetit, préc. ; P. Mayer, « La règle morale dans l'arbitrage international », Etudes Bellet, Litec, 1991, p. 379). Dans l'affaire rapportée, l'acte de mission exposait clairement le moyen de défense tiré de la cause illicite ou immorale du contrat conclu par les parties. Le problème de la compétence de l'arbitre pour constater et sanctionner le cas échéant l'illicéité du contrat ne se posait donc pas d'office comme dans la sentence CCI 1110 (I. Fadlallah, « L'ordre public dans les sentences arbitrales » : RCADI, t. 249, p. 373).

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